Extrait de l'article paru dans le livre du cinquantenaire de l'AIM « Si loin si proche »

CIMBRA – Conférence d’échange monastique du Brésil

Vera Lucia Parreiros Horta, osb,
présidente de la CIMBRA depuis 2010

 

Le 17 novembre 2009 marque le début de l’existence de la CIMBRA comme personne juridique civilement reconnue. Lors d’une assemblée pleine d’allégresse, les participants ont approuvé à l’unanimité les nouveaux statuts, qui scellent le parcours entamé le 31 août 1967, dans les temps post-conciliaires. En effet, en 2017, la CIMBRA fêtera ses 50 ans !

 

Objectifs de la CIMBRA :

A) Promouvoir et coordonner le rapprochement et les contacts entre les communautés religieuses des branches masculines et féminines du Brésil régies par la Règle de saint Benoît et par leurs Constitutions respectives.

B) Promouvoir, organiser et réaliser des cours, des conférences, des congrès, des séminaires, des débats, en favorisant l’étude de thèmes monastiques et en cherchant à établir une collaboration efficace entre leurs membres.

C) Promouvoir les échanges avec des entités congénères.

 

Histoire

Pour comprendre la CIMBRA, il faut observer le monde monastique du Brésil dans la perspective de sa formation historique et dans le contexte de l’Eglise post-Vatican II. Un an après que les Abbés bénédictins réunis à Rome eurent élaboré la synthèse des principes de la vie monastique bénédictine, un groupe pionnier de supérieurs Bénédictins ont osé franchir les limites de leurs monastères et de leurs communautés et se sont réunis pour la première fois à São Paulo, au Brésil. Dans le groupe, la présence d’une Abbesse du nordest du pays, Mère Mectildes Villaça Castro, osb, eut un fort impact, vu la distance parcourue et les conceptions de l’époque à propos de la clôture.

Ce fut l’inauguration de ce qu’on a appelé plus tard la CIMBRA : Conférence d’Echange Monastique du Brésil. Elle réunissait des communautés de différentes familles monastiques présentes dans le pays, depuis la plus ancienne implantation bénédictine sur le continent américain en 1582, la Congrégation Bénédictine du Brésil, restaurée au XIXe siècle par la Congrégation de Beuron, jusqu’aux communautés d’origine plus récente. Le Brésil comptait aussi sur la présence monastique cistercienne, des monastères de moines et de moniales de différentes origines, à savoir l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne, dont certains étaient rassemblés au sein de la Congrégation brésilienne de Santa Cruz. Des congrégations missionnaires féminines, comme celle des Bénédictines missionnaires de Tutzing, sont arrivées au pays en 1903 et beaucoup se sont développées pour former aujourd’hui deux provinces (deux Prieurés). Les moniales bénédictines, après avoir reçu leur formation à l’abbaye de Stanbrook, en Angleterre, sont arrivées en 1911.

De nouvelles communautés monastiques se sont jointes au groupe pionnier, quand après le Concile de Vatican II, des congrégations européennes et nord-américaines ont créé des fondations dans notre pays. Ce fut le cas de la congrégation américano-cassinaise et hongroise – cette dernière venue pendant la Seconde Guerre Mondiale – les congrégations olivétaines, vallombrosiennes, et plus tard une nouvelle implantation des moines camaldules. Certaines de ces familles monastiques comptaient sur la présence de communautés féminines.

Les moniales reçurent un nouvel influx avec l’arrivée de la fondation de la Congrégation de la Rainha dos Apóstolos (Reine des Apôtres), le monastère do Encontro (de la Rencontre), au sud du pays, où étaient déjà présents les moines bénédictins français de Tournay.

Plus récemment, le monastère do Encontro a fondé un Prieuré en Amazonie, une présence pionnière dans la région, suivie par deux communautés de moniales de la Congrégation brésilienne.

Aujourd’hui, le Brésil compte aussi sur la présence des Trappistes et des Trappistines, de monastères faisant partie de la Congrégation de Subiaco, de communautés de soeurs bénédictines originaires d’Italie, de Pologne, d’Autriche et des Etats-Unis, ainsi que de monastères diocésains.

La variété de cette présence qui s’étend dans tout le pays, avec une concentration plus élevée dans le sud et l’est du Brésil, trouve dans la CIMBRA un lieu de rencontre qui les unit tous dans la fraternité.

Au cours de ces premières années, deux tâches s’imposèrent :

• rapprocher les communautés présentes dans le pays par-delà les frontières de leurs propres congrégations
• et réaliser l’« aggiornamento » demandé par le Concile.

L’impact des documents promulgués, joint à la production des conférences épiscopales latinoaméricaines, ont soulevé la question suivante : « Comment comprendre la présence monastique dans ce nouveau contexte ecclésial et latino-américain ? » Au moment où l’Eglise cherchait à se comprendre elle-même et à comprendre sa mission face à de nouveaux défis, la vie monastique a aussi entrepris cette recherche. Il fallait mettre sur pied une organisation interne pour le groupe qui émergeait. De 1967 à 1974, des rencontres annuelles se sont réalisées, et à partir de la troisième rencontre, un thème de réflexion a été choisi. En voici quelques exemples : « La prière dans la vie du moine » ; « Le moine face au monde » ; « Jeunesse et formation monastique ». Les premiers temps furent marqués par de nombreuses tensions causées par des points de vue parfois conflictuels et par l’idée d’envisager ou non la création d’une congrégation brésilienne où toutes les familles monastiques seraient réunies, voie suivie par les communautés du Cône Sud, mais qui ne s’est pas avérée adéquate pour le Brésil.

Pour coordonner la CIMBRA, des directoires ont été formés avec l’appui de la Congrégation bénédictine du Brésil, de la Congrégation hongroise et du monastère de Morumbi.

De cette première époque de la CIMBRA, signalons l’édition des Cadernos beneditinos (Carnets Bénédictins), les activités des Commissions de liturgie et chant, avec l’édition des fiches de lectures patristiques et d’autres auteurs, qui ont enrichi l’office des vigiles. A noter aussi des initiatives pour la mise à jour de l’office divin, conformément aux nouvelles orientations du Thesaurus Monasticum, un événement dans le monde monastique en général. De cette époque datent aussi les premiers annuaires des Bénédictins du Brésil, le Centre d’information monastique, le Bulletin liturgique, le Bulletin informatif et le début des travaux de traduction des sources monastiques. A noter aussi une aide pour les frais de voyages en vue des rencontres et une donation de livres.

Pour arriver à l’organisation actuelle, la CIMBRA s’est dotée de statuts plus simples. La composition du directoire s’est progressivement constituée d’un Président et de six conseillers, dont trois hommes et trois femmes. En plus de l’équilibre masculin et féminin, on veille à tenir compte de la représentativité des familles monastiques du Brésil.

Par ses visites auprès d’un grand nombre de communautés, Dom Leo Rothrauf a préparé le terrain en vue de la réalisation du premier rassemblement CIMBRA JOVEM (Cimbra Jeune) en 1976. Dom Paulo Rocha a déployé une activité remarquable pour les publications de la CIMBRA. Grâce à l’aide de Dom Timóteo Amoroso Anastácio, osb, connaisseur du latin et du grec, on a pu traduire en portugais les Institutions cénobitiques et les Conférences de Cassien, ainsi que diverses vies et d’autres sources monastiques. L’importance de l’étude de ces sources pour l’étude de la Règle de saint Benoît est apparue évidente à l’occasion des cours donnés par sœur Aquinata Böckmann, osb, et Dom Adalbert de Vogué, osb, à partir de 1981. Ces rencontres ont constitué un espace de réflexion et de production monastique propre, matériel encore utilisé à ce jour.

L’année 1972 nous a apporté la grande nouveauté : la première rencontre monastique latino-américaine, appelée aujourd’hui EMLA. Organisée au Monastère de São Bento de Rio de Janeiro, elle a eu comme thème « La vie monastique, aujourd’hui, en Amérique latine ». Premier pas vers la congrégation des familles monastiques des trois Amériques, les EMLA sont devenues périodiques, graduellement organisées dans le cadre de ce qu’on appelle la UMLA, l’Union Monastique Latino-Américaine. Les trois organisations monastiques du continent sud-américain, ABECCA, CIMBRA et CONOSUR en font partie, et elle possède aujourd’hui un petit statut. Les Rencontres de la EMLA ont lieu tous les quatre ans, chaque fois dans une des trois régions mentionnées. Aujourd’hui, le monde monastique latino-américain connaît son visage, et il est uni par des liens solides de fraternité et d’aide mutuelle.

L’année 1976 a été marquée par la réalisation de la première rencontre de jeunes en formation qui s’est tenue au Monastère de São Bento de Rio de Janeiro, et qui avait comme thème « La Communauté bénédictine au service de l’Eglise ». Ces rencontres appelées CIMBRA JOVENS (Cimbra Jeunes) sont devenues une tradition, elles se tiennent tous les deux ans, sans interruption depuis leur création, sous la forme de semaines d’étude. Une équipe conduite par sœur Úrsula Worringen, osb, Mère Teresa Paula Perdigão, osb et la Mère Abbesse Paula Iglésias, osb, plus d’autres collaborateurs, a marqué des générations par l’approfondissement de la vie monastique et la création de liens d’amitié qui marquent toute une vie.

En 1979, la CIMBRA a étendu son activité au domaine de la liturgie, en organisant des Semaines de Musique sacrée. Les moines et les moniales les mieux préparés dans ce domaine se sont réunis autour de professionnels du secteur, ils ont abordé l’étude du chant grégorien et de la musique en général, et ils ont commencé la création d’un répertoire en langue vernaculaire pour l’office divin et la messe.

Les rencontres des profès perpétuels, sur des thèmes variés, les Assemblées bisannuelles, comme on les appelle, sont l’espace normal de la CIMBRA pour permettre de respirer et continuer à irradier. Tantôt en choisissant des thèmes comme la prière, le travail, la santé, des moments forts du monachisme comme le XVe centenaire de la naissance de saint Benoît, tantôt en raccrochant à la réalité monastique les pas de l’Eglise en Amérique latine, après chaque Conférence épiscopale, la CIMBRA cherche à exercer un rôle d’animation de la vie monastique dans le pays, en tant qu’organe interlocuteur toujours en chemin. Nous espérons ainsi réaliser notre mission en relisant l’histoire, en plongeant dans ses racines et en tournant les yeux vers le futur à construire.

La dernière réalisation de la CIMBRA est l’Ecole du service du Seigneur, un programme pour formateurs réparti en deux sessions annuelles de vingt journées. Avec ces initiatives et d’autres encore, la CIMBRA, attentive aux mouvements monastiques actuels des différentes familles reliées par la Règle de saint Benoît, constitue une des nombreuses constellations qui enrichissent l’Aujourd’hui du monde monastique et pour lesquelles nous sommes tous remplis de gratitude.