CONGRES ET CHAPITRE GENERAL


P. Martin Neyt, osb, président de l’AIM
 
            Il est à Rome un lieu magique pour les moines bénédictins où d’un coup d’œil se dévoile toute l’histoire dela ville : les monts albains, d’un côté, rappelant Romulus, le combat des Horaces et des Curiaces et le développement de cette civilisation ; la coupole de  Saint-Pierre, de l’autre, et toute l’épopée de l’Église catholique. Au pied du cours sinueux du Tibre, s’élèvent les escarpements de l’Aventin qui rappellent à la fois les combats de la plèbe à l’époque de l’antique république et les riches demeures patriciennes au temps de saint Jérôme. Ces résidences se découvrent jusque dans les fouilles sous le cloître de Saint-Anselme. La  basilique de Sainte Sabine y présente un magnifique portail en bois datant du Ve siècle avec les premières représentations de la Crucifixion du Christ.

            La« piazza dei Cavalieri di Malta » fut dessinée par G. Piranèse, qui fit dresser la clôture décorée d’obélisques et de stèles. Des pèlerins et des touristes vont jeter leur regard au travers de la serrure de la villa du Prieuré de l’Ordre de Malte pour découvrir la coupole de Saint-Pierre, isolée, s’inscrire dans la perspective de l’allée plantée d’arbres. En face, l’église de Saint-Anselme s’élève à l’angle sud-ouest de la place et l’immense bâtiment de briques rouges à trois étages est le centre géographique de la diversité et de la richesse du pluralisme bénédictin. C’est la résidence de l’Abbé Primat, Notker Wolf, osb, et de sa Curie, du Collège bénédictin où demeurent professeurs et étudiants de l’Athénée pontifical, son Recteur et les membres des différentes facultés (Théologie, Philosophie et Liturgie). En ce lieu, les Abbés et les Prieurs conventuels du monde entier sont convoqués tous les quatre ans. Le Congrès se déroula du 18 au 27 septembre.

            Avant le Congrès, les Bénédictines, représentantes des différentes branches de la Communio Internationalis Benedictinarum (CIB), au nombre de 24 avec leur responsable Mère Judith Heble, osb, s’étaient réunies deux jours à San Antonio, monastère des sœurs camaldules également situé sur l’Aventin. Elles furent invitées au Congrès des Bénédictins. Les Abbés et Prieurs étaient au nombre de 217 sur les 256 invités. D’honorables invités représentaient le Patriarcat œcuménique, celui de Moscou, de Roumanie, de Grèce ; étaient présents le Prieur Simon Jarrett, des bénédictins anglicans, le nouvel Abbé général des Cisterciens de la stricte observance, Dom Eamon Fitzgerald, et Dom Mauro Esteva, O. Cist, Abbé général des Cisterciens. Quelques autres membres témoignaient des organismes au service duCongrès ou des Ordres monastiques, tels l’AIM, le Dialogue Interreligieux Monastique (DIM-MID), le Secrétariat du P. Abbé Primat, les traducteurs et les divers appuis logistiques. Le Congrès offre une occasion exceptionnelle aux participants de rencontrer les Supérieurs de tant de lieux célèbres :Subiaco, le Mont Cassin, Pannonhalma, Einsiedeln, Mariastein, Salzbourg, Melk, Vienne, Munich, Ettal, Ottobeuron, Sainte Odile, Olinda, Rio de Janeiro, Solesmes, Silos, Ligugé, Latrobe-Saint-Vincent, Collegeville, Praglia, Padoue, Noci, Venice, Ampleforth, La Pierre-qui-Vire, le Montserrat, Abu-Gosh, Jérusalem, Medellin, et tant d’autres sites connus ... Ces noms mythiques se découvrent à travers un visage, une personnalité qui devient soudain présence et relation fraternelle.Le nombre de supérieurs provenant d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine s’accroît régulièrement de près de 15 %.

            Outre les échanges informels aux détours du cloître de St-Anselme, les repas, les lieux d’hébergements, il y eût les rencontres communes. La participation commune à l’office divin dans le chœur de l’église, les rencontres plénières et les ateliers ouverts les après-midi. Ceux-ci reflètent les centres d’intérêt des organisateurs du Congrès : la présence bénédictine en Chine, les monastères en Afrique, la liturgie, l’abbatiat et la prêtrise, l’œcuménisme, les abus sexuels, la charge abbatiale de nos jours, les communautés en difficulté, communication et information, les relations à l’Islam, Google, vocations et discernement, les rapports à l’Église locale, l’attention aux signes des temps, la prière personnelle et prière liturgique. La participation active des uns et des autres à ces multiples ateliers reflète les centres d’intérêts divers et le climat fraternel qui régnait.

            La gestion de Saint-Anselme, qui repose uniquement sur les monastères bénédictins occupe une place importante du Congrès. Deux conférences magistrales ont reflété des climats différents : la première, un exposé riche sur « l’écoute de ce que l’Esprit dit à l’Église » par le Père Raniero Cantalamessa, prédicateur au Vatican depuis de nombreuses années ; la seconde, plus monastique, nourrie de 18 ans d’expériences d’abbatiat général, se fonde sur l’expérience d’un Ancien. C’est avec émotion et reconnaissance que chacune et chacun a rendu grâce à Dieu et remercie Dom Bernardo Olivera, ocso, pour son vibrant partage spirituel dont les moines ont tant besoin. Deux autres temps forts ont encore marqué le Congrès : la visite à Castel Gandolfo, l’allocution du Pape Benoît XVI et les vêpres célébrées à Saint-Paul-hors-les-murs où les nouveaux évêques consacrés étaient présents.

            Avant le Congrès des abbés bénédictins, les Cisterciens de la Stricte Observance s’étaient réunis à Assise les trois premières semaines de septembre. Ils y ont élu un nouvel Abbé général, Dom Eamon Fitzgerald, ocso. L’AIM, à son tour, est heureuse de le féliciter et de l’assurer de son service auprès des monastères féminins et masculins de leur Ordre. Les participants ont consacré une grande partie de leurs rencontres à écouter la vie des communautés et sont repartis avec le sentiment d’avoir vécu un temps fort de fraternité. Les 12 régions que comporte leur Ordre ont fait état de leur situation existentielle et ont permis une vue d’ensemble. Il en a découlé des réflexions en profondeur sur la figure du Supérieur, l’étude d’un rapport sur la situation de certaines maisons, la formation, les Visiteurs. Ce temps fit le point sur la situation des monastères et a renforcé le sens d’une fraternité plus grande et d’une solidarité commune.

            La lettre de Dom Mauro Esteva, O.Cist., qui m’a invité dans la maison généralice des Cisterciens pour y rencontrer la quarantaine de moniales et de moines cisterciens étudiant à Rome, rend compte de la fécondité de cet Ordre cistercien et du nombre de leurs étudiants.

            La vitalité des communautés monastiques, féminines et masculines, tous Ordres confondus, se perçoit aussi dans leur développement : 103 nouvelles communautés monastiques fondées de 1997 à 2007. Qui le croirait ? Qui affirmerait savoir quel est le continent qui a produit le plus de fondations ? L’exposé de l’AIM aborde cette question parmi d’autres. Le nouveau responsable du Dialogue interreligieux monastique, le P. William Skudlarek, osb, qui s’établit à Rome, décrit les activités et les projets en cours. Quant à la Congrégation de Sainte Odile, toujours dynamique, elle lance une nouvelle fondation à Cuba à laquelle trois moines africains de la fondation d’Agbang au Togo participent. Ce Congrès fut bien un temps fort, celui des grands rassemblements, où peut-être l’écho de l’Amérique latine et de l’Inde aurait pu être plus fort ; c’est aussi l’époque d’humbles enfouissements de communautés fragiles ou âgées, et le point de départ de nouveaux commencements. Chacun de ces moments de la vie de nos monastères demeure source d’action de grâce et de croissance intérieure. Le remarquable article de Dom Columba Stewart, osb, situe précisément la pédagogie de la Règle bénédictine dans le contexte socio-politique et monastique de l’époque. Les éléments fondamentaux de la pédagogie bénédictine demeurent toujours d’actualité : l’écoute, la préférence absolue de l’amour duChrist, les relations de la communauté et l’Abbé comme image du Corps du Christ, les processus d’apprentissage.          

Puissent les échanges et les exposés qui se sont exprimés dans ces rencontres nourrir et renouveler le dynamisme et la présence vivante de chaque communauté des Ordres monastiques issus de saint Benoît. Car une conviction habite les Abbesses et les Abbés. Dans les bouleversements que traverse notre monde, avec ses crises financières et socio-économiques, et ses lueurs d’espoir, comme l’élection d’un nouveau Président aux États-Unis, les monastères peuvent devenir de plus en plus des lieux de développement durable, de méditation, de silence et de prière, de prise de distance par rapport au stress de la société, d’accueil, d’un équilibre et d’un rythme de vie qui étonnamment relient les générations entre elles et annoncent d’autres manières d’être et de vivre et de transmettre la foi.

 

P.Martin Neyt, OSB

Président de l’AIM