Les déléguées reçurent un accueil cordial chez les bénédictines missionnaires de Tutzing qui ont une importante communauté très active à Tagaytay (80 kms de Manille). Deux d'entre elles, la Prieure Mère. Mary John Mananzan et Sr Angelica Leviste, ont donné une conférence introductive, nous présentant la situation de l'Église et la présence des bénédictines aux Philippines. Sœur Angelica a résumé l'activité des Bénédictines aux Philippines sous la forme des " Trois S " : Servir les autres, Sauver la terre, Suivre des chemins de paix.

Après ces conférences il y eu des échanges en petits groupes sur des sujets bénédictins, certaines questions pratiques à traiter et quelques activités culturelles pour introduire dans l'univers de nos hôtes.

Sœur Judith Ann Heble, la nouvelle Modératrice de la CIB, parle de ses expériences.

Beaucoup de choses ont changé depuis ma première expérience internationale. Au fil des années, j'ai constaté les progrès et l'approfondissement de la communication entre nous à mesure que grandissaient les liens d'amitié entre les continents.

Tenir les réunions de la Conférence de la CIB tous les deux ans dans nos différentes Régions a eu un impact significatif sur la promotion de l'entraide ainsi que des échanges d'idées et d'expériences. Je pense que cela a véritablement contribué au développement du monachisme féminin. Chaque expérience du pays d'une autre personne et de son histoire nous a toutes enrichies et a élargi et aiguisé notre vision de la vie monastique nous invitant à être plus inclusives. J'espère que ce type d'échanges entre nous va continuer à nous unir dans l'amour. Notre union dans l'esprit de saint Benoît peut être un signe visible pour tous du don que la vie monastique est pour l'Église et le monde. Avons-nous une parole pour le monde ? Certainement, en particulier lorsque nous nous présentons ensemble unies dans un amour et un soutien réciproques ! Nous sommes des femmes de valeur, très nombreuses !

La CIB est toujours en quête de manières pratiques d'améliorer la communication entre les Régions. Les possibilités qu'offre internet sont infinies. Espérons que les nouveaux membres envoyés par chaque Région au Symposium vont ouvrir des voies qui permettent de garder vivants et stimulants nos contacts les unes avec les autres. Plus nous nous connaissons, plus nous pouvons être solidaires les unes des autres.

Les bénédictines qui accueillaient la réunion, ont pu faire partager aux participantes un peu de leur présence auprès des plus pauvres des pauvres.

Voici le récit de Sr Thérèse-Marie d'Hurtebise (Belgique).

Un dépliant reçu le matin nous a annoncé la visite prochaine : Smokey Mountain. Vous cherchez de quelle montagne il s'agit ? Elle ne figure pas sur la carte cette montagne fumante ! Car ainsi les philippins ont surnommé l'immense décharge de Manille. Par la suite aplatie et transférée sur ordre du gouvernement, elle a gardé son nom. Si elle fume parfois, c'est d'un nuage de méthane lourd qui par moment la couvre... À l'approche le nombre de taudis longeant les rues augmente furieusement... Le car quitte la route, s'engage dans un chemin plus cahoteux : halte ! On n'entre pas sans montrer patte blanche. Oui, même Smokey Mountain a ses gardiens, je ne sais pourquoi. Sur le coté commence la décharge... Manille compte 10 millions d'habitants, cela dit l'ampleur de la décharge attenante. Ici, des hommes, des femmes, des enfants, par centaines vivent... Leur travail : avec une pique, ils fouillent, cherchent tout ce qui peut être recyclé, le trient, ils le vendront pour une bouchée de pain...

Le car ne peut aller plus loin, la route n'est plus praticable pour lui. Il ouvre ses portes. L'odeur forte nous saisit. Je devine par delà la puanteur la toxicité de cet air que doivent respirer au quotidien ceux qui n'ont pour résidence que ce seul lieu. Certaines d'entre nous ne pourront aller plus loin et attendront dans le car. Nous descendons et stupéfaction : là aussi nous sommes attendues, accueillies par des voix d'enfants « Welcome, sisters ». Souriants, ils brandissent des affiches « Welcome Communio Internationalis Benedictinarum... ». Nous grimpons dans deux voitures des sœurs bénédictines pour aller plus avant. Elles nous déposent au milieu de baraquements de tôles, une cité dans la décharge... les mouches y sont aussi nombreuses, quelques chiens tournent et retournent... 1500 familles y ont leur résidence ! La maison du Seigneur !

Une femme distribue de l'eau potable dans de grands bidons, la vie s'organise comme elle peut, en ce lieu qui nous invite... baptistère ?

À la suite des enfants et des sœurs, nous marchons à la queue leu-leu, un sentier étroit se devine entre les baraques. Procession d'entrée... Il faut vérifier où l'on pose ses pieds... des blocs de pierre offrent un gué ça et là pour franchir la boue noire qui se glisse partout, les enfants eux y courent pieds nus... Je retiens mon souffle : l'impression qu'un rien mettrait tout par terre... Au milieu de tout cela, nous gagnons un abri construit de tôles, plastics et cartons récupérés, comme tous ces habitats : un centre de soins de jour... Oui, nos sœurs bénédictines sont là aussi... Avec l'aide de donateurs, avec leur bon zèle surtout, ce petit espace a pu être mis sur pied. Une vingtaine, une trentaine d'enfants de deux, trois, quatre ans... nous y attend. L'espace réduit est divisé en deux :  une minuscule classe  et un espace de rencontre... les enfants y dansent et chantent pour nous... poignant. Nous sommes là, ils nous accueillent

Un ventilateur tourne : ainsi au milieu de ces baraques un peu d'électricité parvient... ma tête trop scientifique se prend à trembler pour tous ces petits ! Dans un tel dénuement, un court circuit et tout serait en feu !!! Je chasse comme je peux cette pensée. Aux parois sont accrochés quelques panneaux didactiques : premières notions d'anatomie, les plantes utiles aux premiers soins... Bonne idée, des plantes c'est moins cher que des médicaments, et sans doute meilleur... Cela me fait réaliser qu'il n'y a en fait pas un arbre en ce lieu, pas une plante, pas une fleur, pas le moindre petit brin d'herbe ... rien que les détritus

Infinie bonté des sœurs, nous avoir emmenées à l'heure de la distribution des repas... ainsi nous ne sommes pas touristes parmi eux, nous pouvons tout simplement, timidement participer à cette distribution. Un système de ticket-repas a été instauré, et chacun reçoit en échange de son ticket une ration de nourriture. Qui suis-je Seigneur, que tu me permettes de donner cette portion de nourriture à cette femme qui tend la main ? Je ne suis pas digne,... Ils sont pauvres, misérables, mais ils sourient mes frères et sœurs de Smokey Mountain ; ils attendent avec la plus grande patience leur tour pour recevoir cette modeste ration. Dans la détresse, ils s'entraident. Procession de communion... Les sœurs ont bien titré leur petit dépliant « Au delà de la puanteur de la "montagne fumante" (smokey mountain) il y a la vie, il y a l'espoir ». Elles y partagent leur projet :

- donner une formation de base aux mamans (hygiène, premiers soins, éducation), qu'elles puissent au mieux prendre soin de leur famille...

- trouver les fonds pour permettre de bâtir pour chaque famille un abri décent, pour développer ce petit centre de soin, pour soutenir le programme d'alimentation...

- trouver surtout une tonne d'amour pour réaliser tout cela... Que les uns et les autres puissent s'entraider pour s'offrir mutuellement des conditions décentes de vie...

Je me prends à rêver : si nous pouvions devenir partenaires de ce projet... cela se fait un jumelage avec une décharge.

Regard sur le profil des bénédictines de différentes régions ; Compte-rendu de Mère Johanna Domek, Abbesse du monastère du St Sacrement à Cologne.

- Fédération bavaroise groupant 7 monastères :

Qui sommes nous ? Diverses marques distinctives nous sont parvenues en réponse provenant des sept monastères de la Fédération bavaroise.

- Recherche et louange de Dieu au lieu de l'oubli de Dieu.

- Européennes qui ont conscience de l'antique tradition chrétienne de ce continent, dont la culture et l'histoire intellectuelle a reçu des impulsions décisives de la RB et pourrait en recevoir de nouvelles.

- Retour aux sources, qui découvrent à nouveau et montrent les grands trésors spirituels de notre tradition pour en vivre.

- Les bénédictines du 21ème siècle ont une tâche prophétique.

- Constance/stabilité : vivre en lien dans une société de plus en plus sans liens et incapable d'en tisser.

- Vivent en communauté au lieu de vivre seule- pour conduire leur existence : redécouverte et culture de valeurs comme celles de la fidélité, de humilité, de l'écoute mutuelle

- Style de vie simple au lieu de consommation exagérée.

- Soucieuses,  dans leur relation à la nature, des ressources de la terre. Pratiquant une culture de la vie au lieu d'une culture de mort et de destruction.

- Faire place à la disponibilité au dialogue œcuménique à l'intérieur des Églises, et au dialogue interreligieux au lieu de l'angoisse ou du rejet de l'autre. Pour cela l'on a besoin d'être capable de pouvoir parler de ses expériences de foi et de connaître leur foi.

- Hospitalité : nos communautés comme lieu de repos corporel et spirituel, de la relation pastorale, d'aide et de conseil pour celui qui cherche.

Brésil

Nous sommes des femmes chrétiennes, comme individus et aussi comme communauté, qui unissent l'ancien et le nouveau. Nous tentons de vivre la spiritualité bénédictine, comme la RB la présente, pour l'actualiser dans notre aujourd'hui et dans de nouveaux contextes.

Bible et tradition monastique : Selon l'Ancien Testament nous sommes les Anawins, les pauvres de Yahvé, comme Sarah, Hannah, Judith, Noémie, Ruth, et Myriam. Selon le Nouveau Testament nous sommes le peuple en voie de conversion. Au sens de l'Apocalypse 2,42 nous tentons de vivre dans l'esprit de la communauté primitive à Jérusalem : de partager nos biens, de prier, de travailler, de pratiquer l'hospitalité et comme sœur de vivre dans l'espace de l'amour du Christ. La vie monastique est une vie chrétienne intense. Nous sommes des moniales, monachos, ainsi nous sommes en chemin pour devenir une. Nous sommes des bénédictines, notre mission est celle-ci « dire le bien » c'est-à-dire bénir. Nous sommes un corps, une famille liée par l'idéal commun : la vie monastique.

M. Vera Lucia Parreiras Horta,osb, Salvador]

Afrique : Congo

Il est difficile de se définir soi-même. Seul le mode de vie, peut dire, qui nous sommes réellement. Comme bénédictines africaines nous vivons dans notre milieu et dans notre pays. Par nos vœux - pauvreté, chasteté et obéissance- nous sommes des femmes consacrées à Dieu, dont la vie se fonde sur la vie et l'enseignement du Christ. Nous sommes un signe susceptible d'attirer les hommes dans notre Église et de les encourager à remplir leur vocation chrétienne et leurs devoirs. Dans notre contexte de vie, nous donnons le témoignage que notre mode de vie monastique rayonne :

- par la vie simple et sérieuse que nous menons

- par notre participation à la vie de l'environnement, la solidarité effective et l'échange avec d'autres

- en étant des bénédictines qui aiment la prière

- et ne préfèrent rien à l'office

- par la fidélité à la vie monastique selon la RB et à une vie communautaire, dans laquelle on a faim d'amour mutuel.

Notre contribution au développement de ce pays est multiple. D'abord c'est le combat pour l'éducation des filles et des mères en construisant une école et un centre d'éducation pour adultes, où elles peuvent apprendre à lire. En outre il y a le combat contre l'alcoolisme par l'éducation chrétienne. Il y a l'effort pour renforcer la conscience de soi des femmes, en les aidant à gagner un petit revenu, en organisant une communauté paysanne du nom de AMAGRICO, et en leur enseignant l'agriculture. Il y a une petite hôtellerie, et un centre pour des cours de spiritualité. Et nous encourageons un cercle de veuves et de femmes divorcées « femmes seules avec Jésus-Christ » à mener leur vie sans partenaire, dans la joie, l'espérance et l'amour. Elles nous voient et nous imitent

Les gens dans notre région disent, qu'en voyant comment nous vivons , nous sommes un outil de l'unité et de la communion. Ils voient chez nous un équilibre entre la prière et le travail. Ils se laissent gagner par la disponibilité, la serviabilité et la capacité d'écouter, qu'ils trouvent dans notre communauté. Ils nous perçoivent vraiment comme des femmes qui se consacrent à Dieu par une vie sobre et sérieuse, et sont émus par la simplicité de notre vie et la façon dont nous nous entretenons nos relations et pratiquons l'autodiscipline. Ils nous tiennent pour de véritables mères. Ils sont touchés par notre sens de l'hospitalité, notre unanimité, notre amour fraternel et le respect que nous apportons à chaque homme.

Les gens proches du monastère nous comparent parfois au baobab, vers lequel chacun peut venir chercher et rencontrer Dieu, la protection et le respect. Ils disent que nous sommes si vouées à Dieu que nous pouvons spirituellement mettre au monde des enfants. Nous sommes dans notre entourage un signe de foi et de l'amour de Dieu, par la façon dont nous vivons.

M.Eulalie Mazuya Siluahayg,osb, Lubumbashi, Congo - traduction : Mr J.L. Desforges

Nous laisssons la conclusion à Mère Fabienne Hyons, Prieure du monastère de Saint-Thierry, (France)

" En ces jours, nous faisons l'expérience d'une fraternité qui se construit. La CIB est encore jeune et il faut chercher ensemble ce qui servira le mieux le lien entre toutes les Bénédictines, chercher ensemble la manière dont nous pouvons répondre aux défis de notre monde. Mais il n'y pas qu'une seule façon de répondre. Nous expérimentons la communion dans la diversité, qui est à la base de la vie dans chacune de nos communautés. Joie d'élargir et d'approfondir cette expérience ».