Paul LAVALLÉE, oblat séculier de Saint-Benoît-du-Lac (Canada) depuis 1947,[1]
Voilà bien trois mots qui se trouvent rarement ensemble ! Pourtant, innombrables sont les laïcs qui fréquentent les monastères bénédictins depuis quinze siècles. Et le phénomène continue, même à notre époque, en dépit d’une forte baisse de la pratique religieuse, et de la médiocrité croissante des valeurs de nos sociétés occidentales.
« Laîc » s’entend ici de « tous les fidèles à l’exclusion des membres engagés dans un ordre sacré et dans un état religieux reconnu par l’Église »[2]. Selon une expression du Père Congar, le laïc est le « chrétien à l’état pur, sans réserve, sans option (celle du religieux) ni fonction (celle du ministère) ». « Ce n’est pas un déshonneur d’être laïc, écrivait le Cardinal Ratzinger en 2001. C’est la manière normale d’être chrétien, la forme normale de vivre l’Évangile en ce monde et d’y inclure les réalités quotidiennes de ce monde »[3] .
Dès Subiaco, avant même la fondation de ses premiers monastères, et la rédaction de la Règle, Benoît évangélisait « des bergers des environs » qui, en retour de ses « aliments de vie », lui apportaient des « vivres pour son corps ». Les premiers disciples de Benoît furent donc des laïcs. (Voir Dialogues de Saint Grégoire).
Depuis lors, attirés par l’idéal de Benoît, par l’esprit de prière et la beauté de la liturgie bénédictine, les laïcs ne cessent de graviter autour des monastères. Certains vont jusqu’à s’affilier à un monastère à titre d’oblats séculiers « dans le dessein de mener une vie plus parfaite » « selon l’esprit » de la Règle. D’autres se regroupent à titre d’Amis d’un monastère pour le soutenir et y alimenter leur vie spirituelle.
Comment expliquer cette affluence ? Comment rendre compte de ce besoin de goûter la prière et la paix des moines et des moniales ? Comment interpréter ce désir de voir, d’approcher ces personnes religieuses vouées avant tout à la prière ?
Les uns ne voient dans ce phénomène social que pure curiosité, sentimentalisme et religiosité. Pour d’autres, il s’agirait de nostalgie chez des personnes avides de retrouver le chant grégorien de leur enfance. Mais il y a davantage !
Le regretté Jean-Paul II y voyait plutôt, « le cri de ces hommes d’aujourd’hui qui cherchent un sens à leur vie »[4]. Pour d’autres, c’est « l’expression pure et simple d’un profond besoin de paix et d’intériorité dans un monde inquiet et tourmenté, la recherche avide d’un haut lieu de prière et d’une source où désaltérer cette soif d’absolu qui hante le cœur des chrétiens ».
« Nous voulons voir Jésus », disaient les Grecs de Jérusalem (Jn 12 21), « Les hommes et les femmes d’aujourd’hui demandent (encore) qu’on leur montre le Christ. », écrivait Jean-Paul II en 1995[5]. Ils ont faim de spiritualité.
Il est peu étonnant que les foules continuent d’affluer vers les monastères. Marie-de-l’Incarnation, écrivant de Québec à son fils, le 30 août 1644, ne disait-elle pas de la Règle : « Tout le pressis de la perfection y est enclos »[6]. Trois siècles plus tard, le Cardinal Villeneuve, archevêque de Québec, affirmait à l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac : « La spiritualité de saint Benoît n’est pas une spiritualité particulière. Elle s’identifie à celle de l’Église, mais dans l’Ordre bénédictin, elle s’est conservée à l’état pur » ![7]
La Règle a été écrite pour des personnes désireuses de sortir du monde pour mieux suivre le Christ, dans un monastère, sous une règle et un abbé (1 1)[8]. Peut-on alors se demander si, et c’est là le grand paradoxe, elle peut véritablement soutenir la vie spirituelle de personnes désireuses de rester dans le monde, et d’y vivre l’Évangile, en accomplissant leurs tâches quotidiennes ? Une étude attentive, Bible en main[9], permet de répondre un oui enthousiaste à cette question.
Voici quelques exemples. Dès le début du Prologue[10], Benoît exhorte son disciple à écouter les préceptes du Maître avec l’oreille de son cœur (P 1). Il lui prescrit ensuite de prier le Seigneur avec instance afin de persévérer dans tout bien qu’il entreprenne (P 4). Comme fils adoptif de Dieu, il ne faudrait pas, en effet, qu’il soit un jour privé de son héritage (P 6), qui est manifestement la vie éternelle, si l’on en juge par la question que le Seigneur lui-même « crie » à la foule du peuple (P 9). « Quel est l’homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » (P 15; Ps 33, 13). « Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle, ajoute-t-il (…), détourne-toi du mal et fais le bien, cherche la paix avec ardeur et persévérance » (P 17; Ps 33 14-15).
Ravi par la voix du Seigneur qui « invite » et « montre le chemin » (P 19), Benoît reprend aussitôt : « Sous la conduite de l’Évangile », les reins ceints « de la foi et de la pratique des bonnes œuvres », « avançons dans ses chemins » (P 21; Lc 14 11; Eph 6 14-15), où, « à mesure que l’on progresse » (P 49), l’on « court », le cœur dilaté, « dans la voie des commandements » (P 49). Quel stimulant !
Puis, après avoir fait miroiter la perspective de la vie éternelle à quelques reprises (4 46 ; 5 3.10; 7 11; Jn 3 15-16; Mt 25 46), Benoît la mentionne deux fois au chapitre 72, où il décrit « le bon zèle qui mène à Dieu et à la vie éternelle » (72 2). Il exhorte ensuite les moines à pratiquer ce bon zèle, sans jamais rien préférer au Christ, et s’écrie en terminant dans un grand élan d’espérance : « que (le Seigneur) nous amène tous ensemble à la vie éternelle ! » (72 2.11.12; Mt 25 46).
Quel laïc, qui cherche vraiment Dieu (58 7; Ps 118 2) et son Royaume (P 21; Mt 6 33), désireux de se mettre à l’écoute du Seigneur (P 33; Mt 7 24-25), sous la conduite de l’Esprit (P 11), ne se sentirait pas interpellé par ce vibrant appel de Benoît ? N’y retrouve-t-on pas, en effet, l’évocation enthousiaste de la vie éternelle annoncée[11] et promise par Jésus à ceux qui croient en lui et en Celui qui l’a envoyé, et qui prouvent leur foi par la pratique des commandements (Jn 3 à 17) et des bonnes oeuvres ?
Pour Benoît, cette pratique est si importante qu’il y consacre un chapitre entier (4) où il expose ce qu’il appelle « les instruments des bonnes œuvres », c’est-à-dire les préceptes à observer, les vertus à pratiquer et les règles à suivre pour combattre vices et défauts. La presque totalité de ces soixante-quatorze instruments est intégralement applicable aux laïcs tellement ils reproduisent les exigences de base de l’Évangile. C’est, en tout cas, le chapitre qui s’applique le mieux aux laïcs. Des commentateurs écrivent même que Benoit voulait sans doute montrer par là que ses moines doivent avant tout être de parfaits chrétiens.
Face au désarroi moral de son temps, qui ressemble singulièrement au nôtre, la morale évangélique de Benoît est si limpide et si simple qu’elle en est déconcertante tellement elle ramène à l’essentiel. Bien plus, elle incite à le suivre pour mieux rejoindre le Seigneur sur les sentiers les plus ordinaires de la vie. En pratique, tous ces « instruments des bonnes oeuvres » résument ce qui s’appelle traditionnellement les devoirs du chrétien envers Dieu, envers le prochain et envers lui-même, pour employer une expression qui a bien mauvaise presse.
Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de droits, rarement, de devoirs. Pourtant il n’existe pas de droits sans devoirs. Puis, on oublie que là où il y a de l’amour il n’y a plus ni devoir, ni obligation. Car l’action obligatoire accomplie par amour n’est plus une obligation mais bien une marque d’amour. Sans compter que les devoirs du chrétien ne sont pas des obligations imposées de l’extérieur. Il s’agit d’engagements pris librement pour répondre à l’invitation du Seigneur et le suivre jusqu’au jour de la grande récompense.
Signalons quelques-uns de ces « instruments ». D’abord, aimer Dieu de tout son cœur (v. 1; Mc 12 30), sans jamais désespérer de sa miséricorde (74; 1Jn 1 9) ; ne rien préférer à l’amour du Christ (21; Mt 10 37-38), et désirer la vie éternelle de toute l’ardeur de l’esprit (46; Jn 17 3). Aimer le prochain comme soi-même (2; Mc 12 31). Respecter les exigences du Décalogue (3-9; Mt 19 18-19), et pratiquer les oeuvres caritatives de miséricorde corporelle (14-19; Mt 25 31-45). Aimer ses ennemis (31; Mt 5 44) et prier pour eux (72). Ne jamais perdre la charité (26; Col 3 14), ni la paix (22.25.73; Mt 5 22) avec le prochain.
Dix versets sont consacrés à l’ascèse corporelle (10-13, 35-38, 59.64; Jn 6 43), et treize à l’ascèse spirituelle (34, 39-40, 42-43, 51-54, 60, 62, 68-69; 1 P 5 5). Surveiller sa conduite (48; Eph 5 15), ses pensées (50; Ps 136 9), ses paroles (51-54; Eph 4 29), et ses actions (48-50; Eph 5 15). Se reconnaître pécheur, et confesser ses fautes, surtout s’en corriger (43. 57; 1 Jn 1 9) en vue de la vie éternelle (46; Ph 1 21-23). S’appliquer fréquemment à la prière (56; Mc 13 33) et aux saintes lectures (55; Lc 11 28). Si nous nous servons « sans relâche » (76) de ces instruments, écrit Benoît, au jour du jugement, le Seigneur « donnera la récompense qu’il a lui-même promise ». (74), et « préparée pour ceux qu’il aime » (76-77; cf. 1 Co 2 9).
Tous ces « instruments », pour la plupart inspirés de l’Écriture[12], s’appliquent naturellement aux laïcs, sauf les deux qui demandent d’être étranger au monde (20) et d’obéir à un abbé (61).
Il en est cependant trois qui sont si importants aux yeux de Benoit qu’il consacre à chacun un chapitre entier : l’obéissance, la retenue dans le langage et l’humilité[13]. Nous ne ferons qu’effleurer ces trois vertus.
À première vue, elles touchent bien peu les laïcs ! C’est oublier les Paroles et les actes de Jésus. Après avoir déclaré : « Je viens faire ta volonté » (He 10 9), et « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15 14), ne s’est-il pas fait lui-même « obéissant jusqu’à la mort sur une croix » (Ph 2 8) ?
L’Écriture enseigne « d’obéir à Dieu » (Ac 5 29), à l’Évangile (2 Th 1 8) et aux autorités humaines (Rm 13 1-7). Jésus recommande l’obéissance à ceux qui le suivent (Jn 10, 4; 14 15; 15 10-14). Il en fait même une condition de son amitié. (Jn 14 15, 15 14). Tous les laïcs sont donc personnellement concernés.
Benoît demande aux moines d’obéir par amour du Christ (5 2), « sans délai » (5 1), « de bon gré » (5 16), « sans lenteur, ni tiédeur, ni murmure » (5 14), « comme si Dieu lui-même en avait donné l’ordre » (5 4).
Le laïc aurait avantage à s’inspirer de la Règle face aux impératifs incontournables de sa vie personnelle, familiale et professionnelle. Au lieu de « subir » cette vie d’obéissance inéluctable, pourquoi ne l’assumerait-il pas comme une grâce du Seigneur dans la joie (5 16) et la sérénité, mu par la vie éternelle (5 10), et l’amour du Christ (5 2) ? C’est la voie étroite, mais elle « conduit à la vie ». (5 14). « Assurément, commente Benoît, les hommes de cette trempe imitent le Seigneur » (5 13). Quiconque voudrait échapper à cette contrainte universelle pour vivre au gré de ses fantaisies égoïstes aurait tôt fait de créer le vide autour de lui !
Il en va de même de la sobriété du langage[14]. Quand saint Jacques rappelle qu’« à maintes reprises nous commettons des écarts de langage tous sans exception » (Jc 3 2), dont il faudra « rendre compte au Jour du Jugement », proclame Jésus (Mt 12 36-37), c’est bien à tous les chrétiens qu’il s’adresse.
Pour Benoît, le silence est une valeur qu’il faut non seulement aimer (6 2) mais cultiver en tout temps, surtout en certains lieux et à certains moments du jour (42 1). Dans un monde du « chacun pour soi » où le silence semble intolérable, et le baladeur, une nécessité, le laïc ne saurait évidemment vivre en silence comme le moine. En bien des circonstances, ce serait antisocial et contre la charité. Pourtant, dans sa vie personnelle, comme dans vie familiale et professionnelle, il a grand besoin de zones de silence pour mieux écouter et réfléchir, et aussi pour prier.
Nous retenons la même approche pour l’humilité. Venu « pour servir » (Mt 21 28), Jésus est clair : « Quiconque s’élève sera abaissé et quiconque s’abaissera sera élevé » (Mt 23 12). Puis, « Les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers » (Mt 20 16)[15]. Et encore : « Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera » (Jc 4 10).
Benoît perçoit ces affirmations comme un « cri » de la divine Écriture (7 1) et il pousse l’humilité à l’extrême limite. Il échelonne alors cette vertu et ses signes sur douze degrés comparables aux barreaux d’une échelle, où « l’élévation fait descendre et l’humilité monter » (7 7). Pour Benoît, cette vertu est le moyen le plus sûr de monter vers Dieu parce que, grâce à l’Esprit (7 70), et à l’amour du Christ (7 69), elle conduit « l’ouvrier purifié de ses vices et péchés (7 70) à cette charité envers Dieu qui est parfaite » (7 67).
L’humilité, qui ne consiste pas à se renier mais à se connaître en vérité, comme créature et comme pécheur, ne va jamais de soi, ni pour le moine, ni pour le laïc. Mais elle est attendue du laïc comme du moine parce qu’elle est strictement basée sur l’Écriture. Il suffit de relire chaque degré pour s’en rendre compte. Folie du monde, ce langage est sagesse de Dieu (1 Co 1 19-23). N’est-ce pas le publicain qui sortit du temple justifié et non le Pharisien (Lc 18 9-14) ?
Incidemment, tout gestionnaire laïc, qu’il s’agisse d’administrer un patrimoine familial, une entreprise professionnelle ou commerciale, aurait avantage à scruter les chapitres consacrés à l’abbé et au cellérier pour enrichir sa propre gestion de la sagesse, de la justice et de l’équilibre prônés par Benoît. Il y trouvera, en effet, des recommandations fort judicieuses sur la bonne marche d’un monastère qui s’appliquent merveilleusement bien au monde des affaires comme au milieu familial. Les relations familiales comme les relations de travail et le rendement au travail s’en trouveraient singulièrement améliorés, et le nombre des désastres financiers, réduit.
Mais comment cette montée vers Dieu adviendra-t-elle dans le monde des laïcs comme dans le monde des moines? Pour Benoît, la réponse est simple : « Le bien qui se trouve en eux (les moines) ne peut venir d’eux-mêmes mais du Seigneur » (P 29). C’est pourquoi il suggère aux moines de demander « par une très instante prière que le (Seigneur) mène à bonne fin tout bien (qu’ils) entreprennent » (P 4). Il propose ensuite cinq médiations, i.e. cinq voies pour aller vers Dieu « dans la foi » (P 49), « avec la douceur ineffable de l’amour » (P 49), ce qui inclut la participation « par la patience aux souffrances du Christ pour mériter d’avoir part à son royaume » (P 50).
De ces voies, trois ont pour objet principal la Parole de Dieu célébrée dans la Liturgie[16], « source et aliment de la prière personnelle[17], priée dans l’oraison privée[18], et ruminée dans la « lectio divina »[19] pour en imprégner la vie et la prière. Ces trois voies qui mettent le moine en relation directe avec Dieu sont très fortement recommandées aux laïcs par le Concile[20].
Les trois autres médiations mettent en relation avec le Christ. D’abord, le travail, qui, en protégeant contre l’oisiveté (48 1), permet de gagner sa vie (48 8) et de participer à l’œuvre de la création[21]. Ensuite, l’hospitalité, qui accueille les hôtes comme le Christ (53 1; Mt 25 35). En effet, « c’est en eux qu’on adorera le Christ même qu’on reçoit » (53 7) surtout les pauvres et les pèlerins « parce que c’est principalement en leur personne que l’on reçoit le Christ (53 15). Enfin le bon zèle, « qui mène à Dieu et à la vie éternelle » (72 2). Les principales manifestations de ce zèle sont l’obéissance des uns aux autres (72 6), la patience et le support mutuel des infirmités d’autrui, tant physiques que morales (72 5), la chaste charité fraternelle (72 8), le sacrifice des préférences personnelles pour le bien d’autrui (72 7), l’amour de l’autorité (72 10) et par-dessus tout l’amour du Christ (72 11).
Voilà autant de gestes de foi et de charité que le Christ attend de tous ses disciples (Mt 25 31-46). Ils peuvent paraître rigoureux (P 47), mais pour Benoît il ne s’agit que d’une « toute petite règle pour les débutants » (73 8), d’un « commencement » (73 1), qui ne se veut « ni rude ni pesant » (P 36).
Or, cette « toute petite règle », greffée sur l’Évangile, constitue une véritable source d’eau vive jaillissant en vie éternelle (Jn 4 7-16), qui coule sans interruption depuis quinze siècles. Elle contient l’essentiel des moyens nécessaires « pour faire preuve d’une certaine rectitude morale » (73 1) et pour parvenir « aux plus hautes cimes de la doctrine et des vertus » (73 9), avant d’atteindre la « patrie céleste » (73 8).
Cette Règle est alors d’autant plus applicable aux laïcs qu’elle est, à toutes fins pratiques, une application à la vie monastique des exigences fondamentales de la vie chrétienne auxquelles tout baptisé est littéralement tenu s’il veut suivre le Christ (Mt 10 38) et obtenir la vie éternelle.
Bien plus, les chapitres, qui traitent spécifiquement des engagements monastiques proprement dits, sont eux-mêmes une source de motivation au dépassement pour les laïcs qui, un jour ou l’autre, par choix ou par nécessité, sont appelés à vivre dans le monde des situations analogues de renoncement. De ce point de vue, l’on peut dire que la Règle entière constitue une excellente médiation chrétienne pour le laïc qui, tout en restant dans le monde, veut profiter de cette « école où l’on serve le Seigneur »(P 45), pour « mériter d’avoir part (au) royaume » P 50).
Bref, il est peu étonnant que l’appel de « cet éminent amoureux du Christ »[22] que fut Benoît continue d’attirer tant de laïcs autour des monastères et de les inviter à s’inspirer de la « toute petite Règle » pour travailler à la conversion de leur vie.
Certains trouveront cette lecture de la Règle utopique ou élitiste. Mais c’est bien l’utopie de l’Évangile ! Or, l’Évangile n’est pas une utopie. Il n’est pas non plus réservé aux élites, mais bien à ceux qui sont prêts à accueillir le Christ pour « devenir enfants de Dieu » (Jn 1 12), particulièrement les pauvres (Mt 11 5), les pauvres en esprit (Mt 5 37), les petits (Mc 9 35) et ceux qui leur ressemblent. En somme, tous ceux qui, au lieu de suivre la culture de leur temps (Rm 12 2), préfèrent suivre le Christ[23] pour le faire advenir dans leur vie, et leurs communautés chrétiennes respectives « pour qu’en tout temps Dieu soit glorifié » (57 9; 1 Co 10 31).
[1] Ägé de 84 ans, l’auteur obtenait en 1999 un doctorat en Théologie de l’Université Laval (Québec) après avoir soutenu une thèse intitulée : « La Règle de saint Benoît …source de spiritualité pour les laïcs ». Cette thèse vient d’être publiée en version abrégée, à Montrèal, aux Éditions Logiques (Québécor Média) en mars 2005, sous le titre de Saint Benoît, une spiritualité pour le XXIe siècle.
[2] Lumen Gentium 31.
[3] Ratzinger, Joseph, Cardinal. Voici quel est notre Dieu, Paris, Plon/Mame, 2001, p. 273.
[4] Orientale Lumen 4.
[5] Ibidem.
[6] Marie de l’Incarnation. Correspondance, Lettre LXXXI, Sablé-sur-Sarthe, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 1971, p. 228.
[7] Gérard Mercier. L’Oblature bénédictine, Saint-Benoît-du-Lac, 1987, p. 5.
[8] Les chiffres entre parenthèses réfèrent à la Règle, le premier, au chapitre le secod, aux versets. Le ‘P’ réfère au Prologue. Les autres citations viennent de la Bible selon l’usage reconnu.
[9] On trouve dans la Règle environ 132 citations de l’Ancien Testament, et 190, du Nouveau.
[10] Le Prologue cite l’Écriture 39 fois.
[11] Dans l’Évangile, il est spécifiquement question de vie éternelle 25 fois, et 50 fois dans les Épîtres.
[12] Ce chapitre cite l’Écriture 64 fois.
[13] Détail important : ce chapitre sur l’humilité est le plus long de la Règle. Il cite l’Écriture 53 fois.
[14] Ce thème revient plus de 60 fois dans la Règle.
[15] Ce chapitre sur l’humilité contient 53 citations bibliques.
[16] RB 8 à 19.
[17] Jean-Paul II. Spiritus et Sponsa, 14.
[18] RB 20. Sous une forme ou une autre, il est fait mention de la prière près de 150 fois dans la Règle.
[19] RB 48 1. La Règle réfère à la « lectio divina » plus de 30 fois.
[20] Sacrosanctum Concilium 84.
[21] Gaudium et Spes 57 2; 33 1; 9 2; 39 2; Lumen Gentium 41.
[22] Nous appliquons ici à saint Benoît une expression de saint Thomas d’Aquin en admiration devant saint Paul : « eximius amator Christi ». Voir Jean-Pierre Torrell, Saint Thomas d’Aquin, Maître spirituel. Initiation 2 (Vestigia 19), Fribourg, Éditions universitaires, 1993, p. 202.
[23] Lumen Gentium 41.
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