Thomas Timpte, osb. Waegwan
Un enseignant est toujours très heureux lorsque ses élèves suivent ses cours avec intérêt et attention. Nous savons d'expérience depuis longtemps que ce n'est pas toujours le cas. C'est pourquoi les exposés présentés aux Oblats font partie des activités les plus gratifiantes des prêtres de Waegwan. Car il est clair que ces personnes sont reconnaissantes pour tout ce que nous leur partageons et se réjouissent à l’avance de tout exposé futur. Qui sont ces merveilleux auditeurs ?
Nous appelons ‘oblats‘ des laïcs qui ont un rapport étroit avec un monastère bénédictin pour vivre dans le monde selon la spiritualité de saint Benoît. Ils s'engagent par une promesse publique à vivre selon l’évangile et prient quotidiennement Laudes et Vêpres, c’est-à-dire la prière de l’église matin et soir. Chaque monastère a sa manière propre de s’occuper des oblats. Mais il y a sans doute peu de monastères où les oblats soient formés de façon aussi intensive que chez nous. D’ailleurs il y a aussi peu de monastères où les oblats soient aussi nombreux…
Les demandes se multipliaient depuis longtemps pour demander aux Bénédictins quelque chose de similaire au Tiers Ordre des Franciscains, c’est-à-dire une possibilité pour les laïcs de se joindre plus étroitement aux moines. Lorsque nous avons commencé en 1998 notre institut des oblats, la réponse a largement dépassé nos attentes. On avait juste lancé l’idée oralement et plus d’une centaine d’hommes et de femmes se sont présentés ; ils se sentaient rattachées à notre abbaye de différentes manières - parmi eux se trouvaient d’anciens catéchistes de notre ancien secteur missionnaire et les forces vives des paroisses desservies par nos Pères. Le nombre des candidats croissait chaque année au point de nous mettre en difficulté quant aux frères et à l’espace à libérer pour ce service. Nous avons maintenant fixé une limite d'âge : 30-65 ans. Ils sont aujourd’hui 307 femmes et 156 hommes « bénédictins dans le monde », dont 116 ménages.
Les oblats se réunissent tous les mois en deux lieux : ici à Waegwan et dans notre monastère de Séoul. Ils sont 283 dans le groupe de Waegan (venant pour la plupart de Taegu, la métropole voisine) et 179 dans le groupe de Séoul. Le cursus des oblats s'effectue de façon semblable à celui des moines : un an de postulat comme première introduction, ensuite l’année de probation du noviciat, puis la promesse de l’oblature, engagement temporaire de quatre ans d’abord puis engagement définitif.
Cet automne nous avons eu une deuxième célébration d’engagement définitif pour 63 oblats hommes et femmes. Elle eut lieu au cours de l’eucharistie dominicale, après l’homélie. Le rite est repris d’après notre profession solennelle. La différence la plus marquante est le nombre de ceux qui s’engagent. C’était impressionnant de voir ces personnes, dans leurs vêtement semblables à des coules, debout en rangs serrés devant l’autel, qui chantaient avec enthousiasme leur Suscipe : ‘reçois-moi Seigneur selon Ta Parole et je vivrai, ne déçois pas mon attente’. Après la célébration un déjeuner festif rassemblait oblats, moines et de nombreux hôtes dans un pré voisin de l’ancienne église, à l’abri du bruit du vent et de la route par des arbres et une colline. Nous étions protégés des rayons brûlants du soleil autant que du vent froid qui annonce en novembre le commencement de l'hiver. Le Prieur, P. Clemens, est responsable des oblats ; plusieurs frères le secondent. Comme nous proposons toujours de nouveaux cours et que nous voulons les organiser dans un ensemble cohérent, le travail augmente d'une année sur l'autre. Comme, de plus, nos locaux sont limités, nous n’avons pas d’autre solution que de grouper les cours lors des réunions mensuelles qui comportent célébrations liturgiques, exposés et échanges en groupes. Au cours de ces dernières années j'ai surtout traité la prière psalmique mais j’ai aussi abordé des sujets comme le travail dans la Règle de saint Benoît, la signification du silence, le souci des faibles chez saint Benoît…
Nos oblats représentent une certaine élite de la population. Leur niveau de formation est assez élevé en moyenne et la plupart sont bien situés sur le plan professionnel. Pourtant jusqu’à présent je n'ai pas constaté que des gens plus humbles se sentent marginalisés. Madame Anna Cho, la plus ancienne, a aujourd’hui 90 ans ; elle s’est fait connaître par son livre "mère de condamnés à mort". Désormais nous avons officiellement arrêté la limite d'âge supérieure à 65 ans pour endiguer l’afflux des candidats. Du côté des plus jeunes il n’y a presque personne de moins de 40 ans car les jeunes sont en général trop occupés et ne se sentiraient probablement pas à l’aise : en Corée la tendance à se grouper par âges est très forte.
Pour les jeunes il existe en revanche un lien plus souple, les « amis de saint Benoît », regroupant environ 700 jeunes sur l’ensemble du pays. Si j’ai bien compris l'explication de notre P. Anselme Pak, osb, qui s’occupe des vocations et a commencé ce travail il y a seulement trois ans, ce lien est virtuel dans une certaine mesure car plusieurs membres n’ont de relations avec nous que par internet. Presque chaque fin de semaine nous voyons à l’église un groupe de jeunes en retraite sous la direction de P. Anselme. Plusieurs fois par an des groupes, qui peuvent compter jusqu’à une centaine de jeunes hommes et femmes, participent à une session de plusieurs jours pour ‘vivre la vie monastique’. Ces jeunes participent aux temps de prière, travaillent dans nos différents ateliers et ont un cours d’introduction à notre genre de vie. En ces occasions, les sœurs Bénédictines de Tutzing du prieuré voisin de Taegu viennent nous aider. Une fois par mois, un week-end de prière est réservé aux jeunes ; une quinzaine de jeunes y participent régulièrement et nos candidats à la vie monastique se recrutent parmi eux. Depuis l’ouverture de cette proposition le nombre des entrées au monastère a brusquement monté en flèche. Nous prenons les candidats deux fois par an. En janvier sont entrés huit postulants qui doivent commencer leur noviciat l'an prochain.
À cet égard il faut dire que depuis quelques années une certaine stagnation s’est faite sentir dans l'église de Corée. On note entre autres un certain recul de vocations féminines. Dans les ordres masculins nous n’avions jamais eu beaucoup de vocations, le nombre des entrées restait constant ; il est depuis très peu de temps en augmentation. Ici s'avère l’importance de l'engagement personnel. Nos jeunes Pères ne semblent pas imbus d’une autorité qui, comme parfois chez d’autres prêtres coréens, repousse les jeunes. Ils attirent par leur humilité et amabilité. On perçoit surtout qu’ils vivent joyeusement leur vocation bénédictine et cette joie est contagieuse.
Utilisateurs connectés
Nous avons 364 invités et aucun membre en ligne