Mère Mary Garson, osb

Mère Mary Garson a fondé la Congrégation ; elle a été la Prieure générale jusqu’à 2005, alors elle a souhaité se retirer. Les sœurs ont élu au dernier Chapitre Général Mère Kathy Yeeles pour lui succéder.

J’ai connu un homme fort saint, Mr Craddock Hartop, résidant à St. Mary, notre première maison de Brighton. Il était extrêmement discret et toujours en retrait, homme de prière et de paix. A l’heure de sa mort il a attendu la fin des prières pour les mourants puis est mort aussi tranquillement qu'il avait vécu. On imagine bien Notre Dame ainsi, ni bavarde ni importune mais silencieuse, priante, s’appliquant à sa tâche quotidienne dans la volonté de Dieu, humble et paisible, diffusant la paix autour d'elle.  Notre Congrégation leur ressemble : simple, faisant les choses ordinaires tranquillement et sans agitation, dans la prière et la discrétion, en s’appliquant à faire la volonté de Dieu à l’image de son Fiat.

Tout a commencé à partir d’une association de laïcs, le Mouvement des Cellules, par compassion pour les nécessiteux et dans la conviction que c'était la volonté de Dieu. Mais entre la conception originale et ce que nous sommes maintenant il y a un réel écart.  L'Esprit Saint inspire, Il est Vivant et jamais statique. Comme un morceau de bois flotte au gré du vent et des vagues, notre organisation se déplace et se développe au souffle de Dieu.

Notre premier nom fut « les 72 », en référence aux disciples partis annoncés l’Evangile. Nous songions à un groupe mixte hommes et femmes, certains restant à la maison aux soins des anciens et nécessiteux, d'autres travaillant à l’extérieur pour annoncer l’Evangile et gagner l'argent nécessaire pour l’œuvre. Mais l'évêque ne voulut pas de mixité et je fus seule à travailler à l’extérieur. Après un an et demi j’ai dû choisir, soit travailler à l’extérieur soit soigner les personnes âgées. Nous étions très pauvres. Notre genre de vie ressemblait plus à l’état religieux qu’à l’état laïc : prière, méditation et récréations en commun. Il n’est pas de fondation sans critique, opposition et difficulté et la nôtre ne fit pas exception. Heureusement de bons amis nous ont soutenues. Je fus même accusée d’hérésie. L'évêque souhaita nous voir nous engager sur la voie d’une congrégation religieuse, ce qui occasionna des difficultés. Alors que les circonstances semblaient s’acharner contre nous, quelque chose de totalement imprévu émergea.

Nous avons pris le nom de Notre Dame de Bienvenue. Les constitutions devaient être rédigées en latin et il n'y pas de mot pour traduire « welcome ». Quelque temps on nous appela Notre Dame de l’Hospitalité. Je cherchais un nom plus biblique… J’ai pensé à Notre Dame acceptant de recevoir le Christ en conformité totale avec la volonté de Dieu, dans l’humilité, sachant les souffrances qui en découleraient. Nous sommes devenues Notre Dame de Grâce. Au départ je ne pensais pas fonder de congrégation religieuse mais par la suite j’ai senti l’utilité d'avoir des racines dans un ordre ancien. J’étais très attirée par les Bénédictins, leur liturgie, prière et stabilité. Nous avions reçu beaucoup d'aide de Worth. En 1955 j'avais rencontré le P. Hugh, et en 1956 le P. Alban Brooks, qui avait été maître des novices à Downside, nous donnait des conférences hebdomadaires. Dom Peter Conway de Farnborough nous a aidées à un moment critique. Il était enchanté de notre attrait pour la liturgie. Nous avions commencé par réciter Complies en 1954 une fois par semaine. Dans les années 60 nous célébrions Laudes, Vêpres, Complies et les Petites Heures. Nous avions alors trois maisons, deux à Brighton et une à Hassocks. Je n’avais pas perçu la souplesse de la Règle de saint Benoît et nous avons cherché ailleurs. Nous avons opté pour les Servites, d’où la deuxième partie de notre nom : Notre Dame de Compassion.  Au pied de la Croix, Marie nous a reçus comme ses enfants en dépit de la cruauté humaine envers son fils. La compassion marque notre travail, empathie avec ceux qui souffrent et désir de servir les nécessiteux. Les Servites ont une dévotion particulière à ND des douleurs.

Notre habit s’est modifié. Au début nous avons porté une robe chasuble courte bleu marine et un chemisier blanc puis nous avons porté un voile et une croix, puis un scapulaire et une robe longue. Nous avons porté quelque temps un insigne mais aujourd’hui notre habit est beaucoup plus discret. Nous étions d’abord laïques. L’Eglise nous a demandé de devenir congrégation religieuse. Certaines ont gardé l’état laïc en formant la communauté Shalom. Au début les personnes qui nous aidaient s’engageaient pour un an mais ne partageaient pas notre vie communautaire (repas et prière). Un groupe d’oblats s’est formé, vivant dans le monde en partageant notre idéal de prière et vie dans l'amour. Maintenant nous formons une famille, chaque membre ayant son rôle dans la construction de l’ensemble.

Nous oeuvrons aussi au niveau œcuménique. Nos résidents sont accueillis parce que nécessiteux et indépendamment de leur religion. En Inde, au Sri Lanka, en Afrique les personnes aidées et ceux qui les aident (oblats et communauté Shalom) sont catholiques, anglicans, indous, musulmans, bouddhistes. Cela nous apprend à accepter l’autre différent et à nous ouvrir à l’amour.

Toutes celles qui sont venues ont contribué à la croissance de la communauté. Certaines sont restées et d’autres ont continué leur chemin. Au début personne ne s’enracinait et nous nous en remettions à Dieu ; s’il voulait réaliser notre projet Il le ferait. Dans les années 60, à St.Mary’s Dower nous avions des soeurs venues de l'étranger, une du Sri Lanka et une de Singapour. Ensuite, à Holy Cross, une de Jamaïque et une de l'Inde. Puis nous avons fondé en Inde et au Sri Lanka. Dans les années 80 des soeurs d'Afrique sont venues à nous ; nous avons fondé ensuite au Kenya et, récemment, en Ouganda. L’apport de ces cultures solides et antiques nous a profondément enrichies. Il a provoqué une modification dans notre travail. Si en Angleterre nous nous centrons sur le soin des personnes âgées, en Inde nous oeuvrons dans l’agriculture, la formation des jeunes à l’autonomie économique, l'éducation et la protection maternelle et infantile, la santé, l’enseignement… Au Sri Lanka et au Kenya nous soignons les personnes âgées, en Ouganda nous sommes actives sur la paroisse, y compris dans le domaine de la santé et de l’éducation des adultes et des enfants. J’ai parfois pensé à d’autres œuvres en Angleterre. En 1956 nous avions ouvert une pension pour jeunes filles à Londres, nous avons aussi tenu quelques années un accueil des pèlerins à Walsingham, puis nous l’avons laissé à d’autres.

Notre travail nous donne de la joie. C'est un vrai privilège de s'occuper des pauvres, ils nous donnent bien plus que nous ne leur donnons. Nous apprenons d’eux et recevons foi, courage, bonté.

Une influence qui a marqué le développement de notre communauté de façon décisive a été la spiritualité bénédictine. Il y a 33 ans j'ai rencontré un Bénédictin de l’abbaye de Belmont. Je l’ai prié de nous présenter la spiritualité bénédictine. Mes sœurs exprimèrent unanimement leur adhésion à cette spiritualité : l’Evangile basé sur la recherche de Dieu, l’humilité, l'obéissance, l'hospitalité et l’Office divin, spiritualité à la fois très structurée et très souple. Il y a 27 ans nous avons ouvert un monastère à côté de l’Abbaye de Worth et nous avons adopté la Règle de saint Benoît.

Remarquant le soin apporté à la formation des novices à l’Abbaye de Worth, nous avons décidé de consacrer plus de temps et d'attention à la formation de nos jeunes et pour la première fois, nous avons ouvert un juniorat à Worth. Dans la mesure du possible les jeunes sont déchargées des tâches administratives, tout en étant formées à assumer des responsabilités. L’abbaye de Worth est pour nous un bel exemple de prière et de spiritualité, de fidélité et de souci des frères. Le juniorat vient de s’installer à côté d’une de nos communautés soignant les anciens et nos jeunes ont la chance de rencontrer les moines de Belmont et de Prinknash, participant à des réunions, à l’écoute des frères Bénédictins. En 1992, après avoir été reconnues Congrégation diocèsaine, nous avons eu la joie d’être reçues dans la Confédération bénédictine.

L’histoire est toujours en mouvement. Au souffle de l’Esprit Saint nous essayons de rester à l’écoute de Dieu et de l’autre. Je perçois chez nous simplicité, dévotion et générosité. Il y a un esprit de famille et de la compassion. Nous travaillons sérieusement, dans la joie, à des tâches simples. La gaîté est une de nos caractéristiques. Comment nous appelons-nous aujourd’hui ? « les soeurs bénédictines de ND de grâce et de compassion », ou simplement « les Bénédictines de grâce et de compassion ». Puissions-nous être pleines de grâce comme Notre Dame, et remplies de sa compassion pour tous, puissions-nous toujours mettre confiance et espérance en Dieu, le Père tout-puissant, dans son Esprit saint et dans le Christ, son Fils, qui nous aima à en mourir.