P. Robert Mawulawoe KOSSI YAWO, abbé de Dzogbégan, est décédé le 3 janvier 2006. Né en 1949, il était entré à Dzogbegan en 1968, nommé prieur en 1986, élu abbé en 1993, et visiteur de la Province Afrique-Madagascar de la Congrégation de Subiaco à partir de 1999. Son départ brutal plonge dans la peine sa communauté, sa congrégation, moines et moniales africains et tous ses nombreux amis du monde entier.

Voici un extrait de l’homélie prononcée par le P. Thierry Portevin, osb., lors de ses obsèques.

« Voyez : dans sa tendresse, le Seigneur nous montre le chemin de la vie. Prenons pour ceinture la foi et la pratique des actions bonnes et laissons-nous conduire par l'Évangile, avançons sur les chemins du Seigneur ». RB Prologue 20

Mawulawoe a pris la ceinture de la foi. Alors qu’il en était le soutien, il a quitté sa famille pour entrer au monastère « par fidélité à son baptême ». Il exprimait déjà sa préférence pour le Christ. Alors qu’il aurait pu continuer ses études à Abidjan il est rentré au monastère à la demande de son supérieur pour servir sa communauté qui avait besoin de lui. Il n’a jamais pu les reprendre et ne s’en est jamais plaint. Il fut cellérier compétent et de toute confiance, exigeant pour lui-même et sérieux dans son travail quel qu’il soit, qu’il lui plaise ou non. Il fut nommé le premier prieur africain à Dzogbégan alors qu’il n’était pas le plus ancien frère et la tâche ne fut pas facile mais il s’y adonna tout entier. Pour cette raison il dut accepter l’ordination sacerdotale à laquelle il ne pensait pas, qu’il redoutait même à cause de la « promotion » que cela représente pour certains. Il l’accepta en se comparant à « cet âne qui fait entrer Jésus triomphalement à Jérusalem ». Oui, l’important c’est Jésus et pas l’âne ! Sous son priorat eut lieu l’attaque du monastère par des jeunes du village ; il prit alors la décision courageuse et juste de quitter lies lieux. Quand, sur la demande des anciens du village et leur demande de pardon, les moines sont revenus, aucun des frères ne manquait à l’appel : le bon berger ne perd aucune des brebis à lui confiées. Sous son priorat, la communauté est arrivée à son indépendance. Mais à son grand soulagement la communauté élut un autre frère et il put souffler et aller rendre service comme cellérier à Bouaké. Deux ans plus tard il fut élu abbé. Il assuma ce service jusqu’à sa mort, pendant plus de 12 ans. La tâche fut rude. Le rassemblement autour de lui se fit lentement. Au début, devant les exigences monastiques et communautaires, des jeunes profès s’éloignèrent. La confiance s’établit peu à peu et les frères furent honorés de l’image que leur abbé donnait du monastère à l’extérieur, pas seulement dans le monde monastique où on le sollicitait pour des retraites, des interventions comme celles, remarquées, aux Chapitres généraux et aux Congrès des Abbés, mais aussi au niveau du pays, comme en témoigne cette remarque récente du Consul du Togo à Paris : « Dzogbégan ! avec tout ce que fait le monastère pour le pays… » Son souci était le bien commun et sa souffrance le laisser-aller, la négligence, la paresse, la médiocrité, mais sans jamais désespérer des frères… Il faisait spontanément confiance et ne soupçonnait pas le mal. Alors quand il en avait l’évidence il n’en était que plus touché.

Dans ce pays depuis des années en situation économique difficile, il a mis en œuvre toute son imagination et ses compétences pour trouver des activités susceptibles non seulement de faire vivre le monastère mais aussi d’aider les gens du voisinage, que ce soit au niveau de leur gagne-pain ou celui de la formation des jeunes.

Il nous laisse l’exemple d’un vrai moine, d’un grand abbé, d’un frère qui, sanglé de la foi et du service de ses frères, guidé par l’évangile, est allé par amour jusqu’au bout de ses forces. Il nous laisse aussi une très belle image de l’Africain, de l’Afrique. Il était hanté par la dignité de l’Afrique et en conséquence toujours atteint lorsque son image était dépréciée ou altérée. S’il s’est dépensé sans compter pour mettre sur pied des organismes comme Sichem pour la formation des jeunes, des coopératives pour les producteurs de café, du miel du plateau, le marché égalitaire, l’Amorsyca pour la création liturgique africaine, la fabrication d’essence de citronnelle pour donner du travail aux femmes, la structure Saint Anne pour la formation des frères et des sœurs, c’est parce qu’il voulait mettre debout des hommes et des femmes, et le plus de choses possibles, pour que l’Afrique change et donne une autre image d’elle-même !

« MAWULAWO » signifie « DIEU LE FERA ». Il l’a fait !