P. François Régis Hervé, osb., un des 4 fondateurs encore sur place, qui espère y rester jusqu’à la fin.
Le monastère de Mahitsy fut fondé suite à l’encouragement du Pape Pie XI de fonder des monastères en pays de mission. L’Eglise n’est vraiment fondée que quand elle compte des maisons de prière contemplative. Avant la guerre, la Pierre-qui-Vire avait déjà fondé au Vietnam Dalat (1936) et Tien-An (1938), puis au Cambodge (1950).
En 1954, la Pierre-qui-Vire envoya 4 moines à Madagascar à la demande des évêques et selon le souhait des Bénédictines d’Ambositra, monastère fondé en 1934 par Vanves. Le P. Abbé Denis Huerre, osb., s’était préalablement excusé de ne pouvoir répondre à la demande du Vicaire Apostolique : le futur monastère ne prendrait pas en charge le petit séminaire de Siloos. Quatre emplacements ayant été proposés, P. Denis avait laissé les 4 fondateurs choisir et l’unanimité se fit sur le site actuel, Ambohimanjakarano, assez éloigné de la capitale (37 km) mais pas trop difficile d’accès. Le monastère dut néanmoins faire une route, un détour de 15 km étant nécessaire pour parvenir jusqu’à chez nous en saison des pluies. Cette route est maintenant l’axe principal vers le Nord.
Pendant 18 mois les fondateurs furent logés par le collège Saint Michel qui nous prêtait une maison de colonies de vacances. Dès cette époque des jeunes et aspirants sont venus nous rejoindre, premier contact avec le monde malgache. C’est en avril 1956 que nous nous sommes installés sur la montagne d’Ankazomby (1543 m) ; nous y avons dressé une statue de la Vierge tournée vers Tananarive. La première construction provisoire aura duré 35 ans. Tous les bâtiments du monastère furent renouvelés en dur sur le même lieu, sauf l’église encore en terre crue. Dès 1958 l’hôtellerie a pu accueillir des retraitants et des groupes. Les 3 premiers frères émirent leurs premiers vœux en 1956-57, leurs vœux solennels en 1961 et furent ordonnés prêtres en 1963-64.
Les premières années, beaucoup sont entrés mais très peu sont restés. Cependant le monastère était maison de prière où les offices étaient célébrés jour et nuit, et maison de retraites et de rencontres. Nous étions proches des gens, à la fois par la prière et par le travail. Nos ouvriers étaient nos voisins et nous connaissions leur famille. Beaucoup réalisèrent chez eux qu’ils avaient fait au monastère avec nous, cultures et plantations, grâce à des agronomes. Les paysans ont plus volontiers confiance à ceux qui travaillent avec eux qu’à ce qui vient du gouvernement. Une coopérative s’est ouverte sous l’impulsion du P. Mayeul de Dreuille, osb., - reprise ensuite par le P. Delaulanié, s.j., agronome très dynamique. L’élevage des poules, commencé modestement au monastère, s’est développé dans toute notre région qui est aujourd’hui le principal fournisseur de Tananarive.
Notre monastère a contribué au développement dans un autre domaine : on eut besoin de professeurs pour la formation des frères. L’un d’eux, le P. Gilles, fut sollicité pour enseigner aussi au séminaire de la capitale l’écriture sainte et la liturgie. Il a assuré aussi pendant 10 ans la direction du Centre national de Formation catéchétique. Il s’arrangeait pour bloquer ses cours sur 2 jours et limiter ses absences du monastère où il s’occupait aussi de l’hôtellerie. Il a été lié à la formation du FFKM, groupe œcuménique de Madagascar qui joua un rôle important au niveau national. A la demande des évêques d’inculturer la liturgie, P. Gilles a constitué un groupe de compositeurs malgaches de différentes régions. Ce groupe Ankalazao travaillait à la fois sur les textes et sur les mélodies, pour réaliser en malgache l’équivalent de la Prière du Temps Présent (laudes et vêpres, hymnes et antiennes propres). Ce travail fut par la suite adopté par la Conférence épiscopale.
Ainsi la communauté qui n’ambitionnait rien d’autre que d’établir une maison de prière et de transmettre le message de saint Benoît fut amenée à promouvoir un certain développement matériel alentour : route, électrification… Lors de l’enterrement du P. Gilles en juin 2004, on vit combien le monastère avait trouvé sa place dans l’Eglise de Madagascar. Nous nous sommes engagés peu à peu dans un service d’Eglise compatible avec la vie monastique ; nous n’avons jamais assumé de charge pastorale régulière. Nous avons collaboré dès le début avec les autres monastères de Madagascar : les Bénédictines d’Ambositra, Mananjary et Joffreville, fondés respectivement en 1934, 1955 et 1980 et les Cisterciens de Maromby et Cisterciennes de Ampibanjinana, fondés respectivement en 1958 et 1994. Les supérieurs se rencontrent chaque année, les responsables de formation souvent. A Ambohitraivo, tout près de nous, sont intallées les Bénédictines de la Charité de Rome.
Il faut pourtant reconnaître que le nombre des frères est resté très longtemps modeste, tournant autour de 23 dont une majorité de Français stables. Une des raisons de l’instabilité était l’insuffisante motivation pour la vie monastique ; beaucoup de jeunes sérieux, ne pouvant entrer au séminaire ou dans des congrégations religieuses, étaient orientés vers le monastère supposé être moins exigeant pour les études. Les frères se sont fixés seulement à partir de 1994. A l’heure actuelle il y a 10 profès solennels malgaches et 4 profès solennels européens, 9 profès simples et 1 oblat.
Nos prieurs se sont succédés : P. Mayeul, notre fondateur (1954-1964) ; P. Gabriel (1964-65) ; P. Hervé (1965-72) ; P. Paul Ravoavy (1972-83) ; P. Régis (1983-96). En 1990, le monastère faisant toujours partie de la province française de Subiaco et dépendant de La Pierre-qui-Vire s’est rattaché à la province d’Afrique, qui s’est appelée alors province d’Afrique et de Madagascar. En 1996 le monastère est devenu indépendant. En 1997 P. Paul Ravoavy fut élu prieur.
Les 50 ans de notre fondation furent célébrés le 15 août 2004. Beaucoup de religieux et prêtres étaient venus s’associer à notre action de grâces : le Cardinal, qui avait longtemps travaillé avec P. Gilles ; le P. Mawulawoe, Abbé visiteur ; le P. Abbé Primat dont nous avons apprécié la vitalité monastique. Le P. Thierry Portevin, abbé président, était venu peu auparavant. Pour la clôture, le 15 août 2005, nous espérions la venue du P. Bruno Marin, nouvel Abbé président, mais il fut empêché. Nous avons eu la joie d’accueillir le P. Luc Cornuau, nouvel Abbé de la Pierre-qui-Vire, qui nous fit remarquer qu’il n’était pas encore né en 1954 ; le P. Damase Duvillier, son prédécesseur, n’était pas encore entré à la Pierre-qui-vire.
Ainsi, malgré lenteurs et difficultés, il semble que le jeune plant déposé à Madagascar ait tenu. S’il n’a pas eu beaucoup de feuilles il a, du moins, enfoui ses racines profondément dans le sol malgache ; les fondateurs ont tâché d’être fidèles à ce qu’ils avaient à transmettre... La vie monastique n’est pas à inventer, elle doit se réaliser et s’exprimer en son visage propre dans chaque contrée et chaque culture. Ce sera, avec la grâce de Dieu, le rôle des jeunes profès et de ceux qui suivront dans les années à venir.
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