Ce numéro célèbre les 25 ans du Dialogue Interreligieux Monastique. Des évènements fondateurs et des figures de proue sont évoqués. Ces dernières n’avaient rien de plus cher que le Christ, Centre et Fin de toute chose. C’est précisément au nom de leur fidélité au Christ qu’elles ont été jusqu’au bout d’elles-mêmes, chevauchant les ailes du vent, habitées par l’Esprit. Elles ont été à la rencontre des autres religions et ont découvert tout à la fois de nouvelles formes d’hospitalité, d’humanité et d’approche du divin.
Au début du XXe siècle les milieux monastiques bénédictins ont connu une grande effervescence missionnaire. Relevons en particulier le travail des moines sylvestrins, de la Congrégation de St Ottilien et de St André Zevenkerken à Bruges. Ce souci missionnaire était également présent dans d’autres monastères. A Solesmes, le Père Jehan Jolliet, osb, devint l’initiateur d’une fondation de St André inscrite dans la culture chinoise, pendant que dom Henri Le Saux, osb., faisait profession à Kergonan.
En 1957, l’encyclique Fidei donum du Pape Pie XII donna un nouvel élan à cette dynamique missionnaire. L’AIM fut créée dans cet esprit par quelques grands moines comme les Pères Cornelius Tholens, osb., Théodore Ghesquière, osb., et Robert de Floris, osb.[1]. Parmi les premiers évènements fondateurs du DIM, le Congrès pan-asiatique de Bangkok en 1968 eut une importance décisive. En effet, le Patriarche Suprême du Sanga Thai, le Somdet Para Arianvong Sankarat y rencontrait officiellement dom Robert Weakland, osb., Abbé Primat des bénédictins, tous deux entourés de nombreux moines. Tout à coup, des moines de religions différentes reconnaissaient avec étonnement ce qu’ils avaient en commun. Cette découverte concrète, essentielle, allait susciter bien d’autres initiatives. Mais le Congrès de Bangkok est surtout connu à cause de la mort tragique du père Thomas Merton, ocso, déjà célèbre. Son Journal d’Asie, publié quelques années plus tard, contient déjà des réflexions sur le dialogue intra-religieux au cœur du DIM, qui n’ont jamais été dépassées.
Après Bangkok, l’intérêt pour le Dialogue Interreligieux ne fit que croître au sein de l’AIM. Les grandes figures présentées dans ce numéro l’illustrent à profusion. Ce sont les Pères Jules Monchanin, Henri Le Saux, osb.[2], Francis Mahieu, ocso., et Bede Griffiths, osb.. En 1973 un nouveau congrès pan-asiatique se déroula à Bangalore abordant le thème des « moines chrétiens face aux religions d’Asie ». L'Abbé Primat résume l’étape parcourue par ces mots : « Au Congrès de Bangkok, malgré tous les efforts déployés, la rencontre avec les représentants des religions asiatiques ne put se faire qu’au niveau officiel ; à Bangalore elle fut effective, fraternelle et fructueuse ». Ainsi, en quelques années, l’attention de l’AIM pour les autres traditions monastiques devenait de plus en plus vive. Les principaux experts de ces rencontres furent, outre quelques Sœurs de différentes Congrégations, les Pères jésuites Enomiya Lassalle, Yves Raguin, Aloïs Pieris, le dominicain Shigeto Oshida, Raymond Panikkar et John Moffitt. Aussi l'Abbé Primat lança-t-il un appel pour que des moines s’engagent davantage dans le dialogue interreligieux.
Plusieurs répondirent à cet appel et organisèrent ce qui allait devenir le DIM. Citons les Pères Cornelius Tholens, osb., Mayeul de Dreuille, osb., et Jean Leclercq, osb., aidés par Sœur Pia Valeri, osb.. A leur suggestion, le Cardinal Sergio Pignedoli, Président du Secrétariat pour les non- chrétiens (actuellement Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux) écrivit une lettre à l'Abbé Primat pour lui demander officiellement la collaboration des moines. Cette lettre, datée du 12 juin 1974, fut rédigée avec l’aide de Mgr Piero Rossano et du Père Tholens. Elle mettait en lumière le rôle que les moines pouvaient avoir dans le dialogue interreligieux.
Deux réunions furent organisées en 1977, l’une à Petersham, près de l’abbaye de Spencer, Massachussets aux Etats-Unis, et l’autre en Europe, au monastère de Béthanie, à Loppem en Belgique. La participation de nombreux intervenants a surtout permis de mesurer combien l’intérêt pour le Dialogue s’était développé en quelques années. Ceux-ci ont en outre souligné les risques de déviation de cette démarche. Il en résulta la création de commissions « pour indiquer au secrétariat de l’AIM la marche à suivre pour développer le dialogue interreligieux »[3].
Dès le 5 janvier 1978, un petit groupe d’Américains se réunissait au centre Rickenbach, chez les Bénédictines de Clyde et créait le North American Board for East-West Dialogue (N.A.B.E.W.D) appelé actuellement Monastic Interreligious Dialogue Commission (M.I.D.). Quelques semaines plus tard, c’était au tour des Européens d’organiser une première réunion de la commission DIM, au Prieuré Ste Bathilde à Vanves, près de Paris.
Il aura donc fallu une dizaine d’années pour que naissent des commissions DIM/MID au sein de l’AIM. Durant les vingt cinq années suivantes le DIM/MID a beaucoup évolué et son histoire reste à écrire. Les grandes articulations de ce numéro reviennent au P. Pierre-François de Béthune, osb, Secrétaire général du DIM-MID et à ses collaborateurs. Ce dernier présente dans ce numéro les enjeux du DIM et Mgr Fitzgerald précise ce que le Conseil Pontifical en attend. D’autres articles rendent compte du travail actuel du DIM et de la rencontre d’Assise avec Gensho Hozumi Roshi et des moines et moniales zen du Japon. De nouvelles initiatives ne cessent de naître, tel cet engagement des Catholiques et des Chiites, né sous l’impulsion du P. Timothy Right, osb., abbé d’Appleforth et de l’Ayatollah Abedi à Kom en Iran
Pour continuer la réflxion sur l’environnement, nous avons le plaisir de proposer à nos lecteurs une analyse de Mme Thanh, bénévole au WWF, soulignant la place des monastères comme modèles de développement durable. Enfin, nous avons la joie d’annoncer à nos lecteurs la publication du premier bulletin de l’AIM en langue allemande grâce au travail intense du P. Cyrill Schaeffer, osb., de l’Archiabbaye de St Ottilien.
P. Martin Neyt, osb., Président de l'AIM
[1] Sur cette histoire bien connue, voir notamment, Dom Jean Leclercq, Nouvelle page d’Histoire monastique, Histoire de l’AIM 1960-1985
[2] Jules Monchanin, Henri Le Saux, Ermites du Saccidananda, 1956 se présente comme un document qui fait date.
[3] Comme le signalait le Conseil de gestion du Secrétariat en décembre 1977
Utilisateurs connectés
Nous avons 165 invités et aucun membre en ligne