Réponses au questionnaire sur l'environnement du WWW France, envoyé à tous les monastères

En toute vie, le silence dit Dieu,
Tout ce qui est tressaille d'être à Lui !
Soyez la voix du silence en travail,
Couvez la vie, c'est elle qui loue Dieu !

Pas un seul mot, et pourtant c'est son Nom
Que tout sécrète et presse de chanter ;
N'avez-vous pas un monde immense en vous ?
Soyez son cri, et vous aurez tout dit !

Il suffit d'être, et vous vous entendrez
Rendre la grâce d'être et de bénir ;
Vous serez pris dans l'hymne d'univers,
Vous avez tout en vous pour adorer !

Car vous avez l'hiver et le printemps,
Vous êtes l'arbre en sommeil et en fleurs,
Jouez pour Dieu des branches et du vent,
jouez pour Dieu des racines cachées.

Arbres humains, jouez de vos oiseaux,
Jouez pour Lui des étoiles du ciel,
Qui sans paroles expriment sa clarté,
jouez aussi des anges qui voient Dieu !

Patrice de la Tour du Pin.

Parler de la beauté de la nature est déjà en soi parler d'un don de Dieu, parler de la Création dont nous sommes les administrateurs, nous fait franchir un pas de plus dans la reconnaissance de la communion avec Dieu.

Le thème du questionnaire qui a été proposé aux communautés dans le bulletin 76 de l'AIM était " Ecologie et spiritualité ". Le texte de l'hymne liturgique de Patrice de la Tour du Pin cité en introduction à ces quelques pages, nous donne la clé, la direction, l'orientation, comme une échelle de Jacob qui unirait la terre et le ciel... Toute la nature, toute la création est là, à notre disposition, pour notre vie, notre croissance, notre nourriture et notre joie, en un mot : pour la Gloire de Dieu. Seulement voilà... Tout comme au récit de la Genèse, que l'Eglise nous offre à relire au moment si solennel de la veillée pascale, il est arrivé quelque chose à la Création, et notre tâche est maintenant de tendre vers un monde meilleur, ou au moins, pas pire !

Pendant le siècle dernier, on a dévasté beaucoup, on a saccagé beaucoup, il importe de prendre une meilleure orientation, avec nos pauvres moyens déjà, et de retrouver le sens du bon usage des richesses mises à notre disposition par Dieu, et que nous devrons léguer à ceux qui nous suivent.

La tâche est vaste, les réponses au questionnaire vont en témoigner. Mais tout comme elles témoignent de la fragilité de notre engagement dans ce domaine, sur quelque continent que l'on vive, elles témoignent aussi de la conviction de celles et ceux qui ont répondu, en faveur d'une urgence de la prise de conscience, à traduire en actes au niveau des communautés et des collectivités.

Pour les réponses en langue anglaise, elles proviennent de 15 communautés, mais la provenance géographique et culturelle est vaste : Allemagne, Angleterre, Autriche, Etats-Unis, Ghana, Inde, Irlande, Pays-Bas, Pologne, Tanzanie. Les réponses en langue française viennent d'Allemagne, Belgique, Brésil, Burkina-Faso, Canada, France, Israël, Suisse et Togo, en tout 28 réponses. Nous ne disposons pas encore des réponses en espagnol venues d'Europe, mais de quelques unes venues d'Amérique latine : Argentine, Bolivie, Chili, Mexique, Pérou et tout de même 2 d'Espagne. Elles sont l'écho des réponses de 19 communautés, de la famille cistercienne ou bénédictine.

Le questionnaire, après avoir évoqué la situation géographique du monastère, aborde deux aspects principaux de l'action en faveur d'une protection de l'environnement :

1.     les actions visant à préserver les espaces naturels,

2.     les actions visant à réduire la pollution de ces espaces.

Se présentant sous la forme d'un questionnaire fermé, où l'on répond par oui ou non, cette enquête nous donne à la fois l'indication des tendances les plus marquées, et nous laisse sur notre faim, ce qui permet d'imaginer qu'il y aura une suite à cette réflexion, amorcée par quelques réponses plus détaillées, que nous pouvons déjà explorer maintenant.

Où vont les réponses unanimes des communautés ? Unanimité positive : tout le monde, ou presque utilise du papier usagé, tente un tri sélectif des déchets, essaie de mettre en place des installations visant à économiser l'énergie, mais l'unanimité dans le Oui s'arrête là !

L'unanimité négative, ou quasi, reste éloquente dans le domaine du papier recyclé, de l'utilisation d'énergies renouvelables du type éolienne, et, au grand dam des secrétaires rédacteurs des réponses, dans le domaine de l'éducation, de la sensibilisation à l'importance de ces actions écologiques.

1. Les actions visant à préserver les espaces naturels :

Est-ce que le monastère pratique une agriculture respectant l'environnement (culture biologique) ?

Quilvo, au Chili, ne pratique pas à proprement parler la culture biologique, mais est inscrit à un programme " BPA " : bonne pratique de l'agriculture, vérification de la qualité des fruits.

Ganagobie, en France, cultive l'olivier, et Lérins, la vigne. C'est surtout dans le domaine de lutte contre les parasites que les options phytosanitaires sont prises : le but recherché n'est pas le degré zéro de parasitisme des vergers et de la vigne, mais la lutte raisonnée : enherbement maîtrisé pour éviter l'emploi des herbicides, pas d'insecticides mais lutte par hormones de synthèse contre les papillons prédateurs de la vigne, et action régulatrice sur les divers ravageurs de vergers, pour maintenir leur population à un niveau assez bas.

Thu-Duc, au Viet-nam, plante des haies de bambous, d'hibiscus et de citronnelle, les eucalyptus assainissent l'air et drainent l'humidité.

Peramiho, en Tanzanie, Puno au Pérou, tout comme Rafaela en Argentine, ou Caldey en Angleterre, ou encore Dourgne et Saint Benoît sur Loire en France, n'utilisent pas de fertilisants chimiques. Saint Benoît sur Loire utilise seulement du compost fait à base de feuilles, de tontes de gazon, et y ajoutent des purins de plantes : orties, rayfort, rhubarbe, fougère, absynthe... Paraná en Argentine, utilise presque uniquement un fertilisant totalement naturel : fumier de volaille, de vache ou de cheval. La ferme de la Pierre-qui-vire, en France, pratique l'agriculture biologique depuis 1969, première exploitation de ce type en Bourgogne, affiliée à l'association Bio-Bourgogne et dotée d'un label de qualité.

Randol, en France, met en valeur une vingtaine d'hectares de prairies pour son troupeau de vaches laitières, et environ 100 hectares de parcours ovins. Le troupeau laitier fournit le lait pour la fabrication du Saint-Nectaire, fromage produit et affiné à la ferme de l'abbaye. Les prairies sont fertilisées par le fumier composté et par des engrais minéraux naturels, évitant ainsi le risque de pollution de la rivière qui longe les prairies.

Le Centre de retraites " Guadalupe " de Cuernavaca, au Mexique utilise des engrais naturels achetés à une coopérative écologique, favorisant ainsi le développement de cette coopérative, en attendant de recevoir un enseignement pratique pour l'utilisation du compost et la fabrication de l'engrais naturel.

Le monastère de l'Annonciation à Nazareth, n'utilise que des produits biologiques pour le jardin qui ne comporte à présent plus que les arbres fruitiers et... les fleurs, pour que ce petit coin de Terre Sainte évoque le paradis !

Koubri, au Burkina-Faso, a dû empêcher que les villageois ne viennent couper les arbres pour du bois de chauffe, beaucoup de plantes naturelles médicinales ont ainsi été sauvées, et la population en est maintenant reconnaissante. Mais le désert avance à grands pas, et l'avenir va exiger plus d'arrosage, plus de techniques pour " piéger " l'eau...

Est-ce que le monastère préserve et protège des espaces naturels dans son environnement immédiat ?

Beaucoup de communautés pratiquent le nettoyage des abords du monastère, du parc, comme à Transfiguración et Epifania en Argentine, des landes et des bruyères à Campénéac, en France, ou encore pour Saint Hildegard en Allemagne, des vignobles et des fruitiers.

L'espace naturel protégé par Lérins est l'île dans son entier : habitation, culture de la vigne, forêt, chemins et criques accessibles aux visiteurs nombreux. Le petit archipel fait partie du programme européen Natura 2000, essentiellement en ce qui concerne les fonds marins.

Quilvo, au Chili, entretient la rive du grand río Teno qui borde un côté du monastère, et plante gazon et arbres, pour agrémenter les alentours.

Rautén, au Chili, reçoit l'aide d'agronomes professionnels afin de trouver le meilleur emplacement de plantation des arbres fruitiers.

Sainte Cécile, en Angleterre, est situé au cœur d'un espace protégé, où se trouvent des nichoirs pour les oiseaux, Soleilmont en Belgique accueille aussi le travail d'ornithologues qui suivent l'évolution de 40 nichoirs, et Bolton, en Irlande, possède des lacs artificiels pour la conservation des espèces naturelles.

Queen of Angels Monastery, dans l'Oregon est très attentif à la qualité de l'environnement, les prairies alentour, les fruits sauvages, les engrais naturels, la sauvegarde de la faune et de la flore, y compris des insectes, et pratique une rotation des légumes plantés sur les terrains chaque année, pour préserver leur qualité.

Nostra Señora de Los Angeles, à Constantina, près de Séville, en Espagne, est situé dans le Parc naturel de la Sierra Nord de Séville, pratique la culture écologique des oliviers, et respecte les normes en vigueur dans ce Parc.

Koubri a été félicité par le Centre national de semences forestières (CNSF) pour avoir su garder la seule forêt à 60 km à la ronde de Ouagadougou, et d'avoir créé un micro-climat alentour du monastère.

Est-ce que le monastère participe à un plan de gestion durable des forêts, en plantant des arbres ?

Santa Mariá de Guadalupe, au Mexique, est tenu d'observer les normes et de requérir une autorisation gouvernementale pour tout abattage d'arbre, mais étant donné l'avancée de l'urbanisation autour du monastère, beaucoup d'arbres ont été plantés depuis 15 ans pour préserver l'environnement.

Dzogbegan, au Togo, a planté plus de 30 hectares d'arbres forestiers dont certains sont déjà en âge d'être exploités.

Brou sur Chantereine, en France a été obligé de reboiser suite aux dévastations causées par la tempête de décembre 1999, tout comme Transfiguración, en Argentine, après les inondations de 2000, mais qui a plus de difficultés pour trouver les emplacements sur les terrains inondés. La Maigrauge, en Suisse, est située près d'un site protégé, un côté est bordé par une rivière, les trois autres sont entourés de falaises boisées, d'un lac artificiel et de forêts déclarés réserve naturelle, et soumis à un plan de gestion de l'Etat. Wavreumont, en Belgique, fait superviser les projets par des spécialistes pour l'élagage, la plantation et la coupe des arbres, sur les 30 hectares de forêts du monastère.

La Pierre-qui-vire, Ganagobie, Saint Benoît sur Loire et Lérins coopèrent avec les organismes d'Etat français pour établir leur plan de gestion : recensement, plantation, éclaircissement. Córdoba replante un arbre pour tout arbre mort, endommagé ou utilisé pour des constructions.

En 2002, Las Condes, au Chili, a replanté 5000 arbres, arbustes et plantes, pour protèger les abords naturels du monastère, mais aussi pour créer au centre de la ville de Santiago, un sanctuaire de la nature pour les espèces végétales, ainsi que pour la faune locale.

Randol gère les 85 hectares de forêt autour du monastère de façon " douce " : coupes peu fréquentes, prélévement d'arbres mûrs, pour économiser l'entretien et maintenir la diversité paysagère su site qui est classé. Deux autres domaines appartenant au monastère sont gérés de façon économiquement plus rentable, mais toujours avec un plan de coupes et de plantations.

Mais beaucoup de communautés disent n'avoir qu'une petite propriété, ne leur permettant pas de participer à des activités d'une telle ampleur : Munich, en Allemagne, Louvain la Neuve, Chimay et Peruwelz en Belgique, Saint Thierry en France, ou encore San Paio de Antealtares, situé en pleine ville, sur une des places attenantes au sanctuaire de Santiago de Compostela.

2) Les actions visant à réduire la pollution :

Utilisez-vous du papier recyclé ? Nous l'avons déjà signalé, cette pratique n'est pas encore répandue, il s'en faut ! Sans doute le prix d'achat est-il encore dissuasif dans de nombreux pays. Randol cependant fait une remarque importante quant à l'utilisation du papier recyclé : le traitement du papier (désencrage) est plus polluant que la fabrication de papier à partir de bois blanc d'une part, et d'autre part, le recyclage du papier diminue l'exploitation des forêts et contribue au renforcement de l'effet de serre et du risque d'incendie.

Récupérez-vous le papier usagé ? Question qui a dû faire sourire plus d'un lecteur... qui n'a jamais vu tout un fichier biblique, patrologique ou liturgique, sur un bureau au scriptorium de son monastère, écrit uniquement sur des dos d'enveloppes, et soigneusement ordonné dans une boîte à chaussures ? Mais comme plusieurs le disent, tant en français qu'en anglais, " c'est plus par économie que par écologie ! " Des initiatives à plus large échelle sont commencées : au Brésil, une ONG vient régulièrement recueillir papiers, caisses et autres matériaux pour le recyclage, et Na. Sa. das Graças y participe, tout comme Córdoba, en Argentine.

Est-ce que vous pratiquez le tri sélectif des déchets ? Cette pratique est à peu près générale, même si elle prend des proportions différentes, en fonction des contextes locaux. Le tri des déchets organiques et non-organiques permet à Luján, en Argentine, de recycler ce qui est organique en fabriquant du lombricompost.

Est-ce que vous utilisez les énergies renouvelables : énergie solaire, éolienne ? Lérins et Gangobie mettent à profit leur localisation méridionale pour faire fonctionner une série de panneaux solaires qui fournissent un chauffage d'appoint pour l'eau. La Pierre-qui-vire envisage d'étudier ces domaines : chaufferie à bois industrielle qui remplacerait la chaufferie à fuel, et utiliserait des plaquettes de bois déchiquetées issues de la filière-bois du Morvan , installation d'une ou plusieurs éoliennes pour la production d'électricité verte, sur les plateaux bien exposés au vent qui entourent la ferme, installation de panneaux solaires pour la production d'eau sanitaire. Thu-Duc utilise l'énergie éolienne pour sa plantation des orchidées, et pour faire résonner les instruments de musique en bambou, suspendus où il y a les courants d'air.

Techiman, au Ghana, utilise l'énergie solaire, non pour le chauffage, on l'aurait deviné... mais pour l'éclairage de secours.

Est-ce que vous utilisez des dispositifs pour économiser l'eau ? Peu à peu, au rythme des rénovations de matériel, comme le signalent plusieurs réponses, cette pratique va se généraliser. Certaines communautés y sont déjà obligées par l'installation de mesureurs d'eau, comme à Córdoba, à Na. Sra. das Graças et Santiago de Compostela, ou par l'installation d'un système de micro-aspersion, goutte à goutte, pour les vergers de pommiers et de cerisiers à Quilvo. A côté des dispositifs techniques, il y a les dispositions prises en commun pour économiser l'eau, comme à Thu-Duc : les eaux de rinçage ou de lavage des légumes sont mises de côté pour arroser le jardin, et éviter d'utiliser l'eau de la ville de Ho Chi Minh Ville. Un autre contexte climatique permet à Rixensart, en Belgique, d'utiliser l'eau de pluie pour les sanitaires nouvellement installés. Quelques monastères sont conscients d'être privilégiés car une source suffit à tous leurs besoins : Notre Dame d'Orient et la Pierre-qui-vire en France.

Voilà pour les pratiques de conservation ou de préservation. Pour ce qui concerne la réflexion, quelques remarques laissent entrevoir l'immensité de la tâche qui sera à accomplir pour sensibiliser les communautés, qui sont déjà pourtant des milieux particulièrement ouverts aux attitudes de respect , tant des personnes, espérons-le, que des objets du monastère, dont parle Saint Benoît de façon si éloquente : " tous les objets seront considérés comme les vases sacrés de l'autel " !

Le Conseil des Conférences Episcopales Européennes, dans sa rencontre de mai 2003 à Wroclaw, a souligné l'urgence de trouver les solutions aux problèmes environnementaux par un changement de nos mentalités, par une conversion écologique qui devra se traduire dans des actions concrètes. L'Eglise, par ses projets de préservation de l'environnement, peut gagner en crédibilité et peut aussi témoigner de sa foi en la Création. Les enjeux sont à la fois économiques, sociaux et éthiques. Il ne peut y avoir de paix entre les peuples, s'il n'y a pas de paix avec la nature. Les guerres, nous le disions en introduction, conduisent toujours à des désastres écologiques, et la diminution des ressources naturelles, comme l'eau par exemple, peut être la cause de nouveaux conflits armés.

Le V° Symposium sur l'Environnement, organisé par le Patriarcat œcuménique dans le cadre du projet " Religion, Science et Environnement " s'est tenu en juin 2003 sous la forme d'une croisière sur la Baltique. Un message de Jean-Paul II a été remis au Patriarche Bartholomaios 1er , avec qui il avait signé le 10 juin 2002 à Venise une Déclaration commune sur " Ethique et environnement ". Jean-Paul II rappelle ses convictions envers l'écologie : l'irresponsabilité écologique, qui a des répercussions internationales, est finalement un problème moral, fondé sur une erreur anthropologique, qui se manifeste chaque fois que l'homme oublie que sa capacité à modifier le monde doit respecter le plan divin relatif à la Création.

Nos communautés, comme communautés de croyants, ont une contribution vitale à apporter, et elles peuvent le faire avant tout au niveau local, qui est le leur, mais aussi à travers tout leur réseau de communion qui lui, est universel.

Tout reste à faire, mais... tout est possible, même si les monastères n'ont pas souvent à proprement parler d'activités éducatives. Sankt Ottilien, en Allemagne, dispense un cours de biologie à ses élèves, terrain favorable à une sensibilisation des étudiants. Plusieurs réponses notent d'un trait de plume plus appuyé que la tâche est urgente, mais que pour le moment, rien n'est encore à la disposition des communautés comme documentation, comme matériel didactique. Là aussi, place aux initiatives !

Rome, Sœur Marie-Pascale DRAN, ocso.