Dom Jean-Pierre Longeat, osb
Président de l’AIM
Liturgie monastique :
Le grand « aujourd’hui » de Dieu
Les quelques réflexions proposées ici se voudraient une invitation à choisir de vivre aujourd’hui le jour qui nous est donné comme le plus important et le plus réel des jours. Aujourd’hui, comme chaque jour, tout advient de la puissance et de la vérité des êtres et des choses à condition que nos vies soient disposées à les accueillir. Comme on le sait, la liturgie met en valeur cet « hodie », cet aujourd’hui qui nous fait entrer dans le jour sans fin de Dieu.
Cette proposition est faite en pensant à tous ceux qui, aujourd’hui, comme chaque jour depuis la création des humains, ont soif d’être, de vivre, de comprendre, de partager, d’aimer, d’exister intensément dans une humanité qui crie sa soif et son désir sans trop jamais savoir quels peuvent en être l’objet et le mode.
Tout d’abord, nous poserons la question de l’écoute quotidienne : « Aujourd’hui, si vous entendez ma voix » ; puis celle de la nourriture quotidienne : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », et enfin nous nous tournerons vers le Jour de Dieu, le jour au-delà des jours, le jour promis et tant désiré.
« Aujourd’hui, si vous entendez ma voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Ps 94)
Ce verset de psaume est cité au tout début de la règle de saint Benoît :
« Levons-nous donc à la fin, l’Écriture nous y incite : “L’heure est venue de sortir de votre sommeil” (Rm 13, 11). Ouvrons les yeux à la lumière qui divinise. Ayons les oreilles attentives à la voix de Dieu qui nous crie chaque jour cet avertissement : “Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs” (Ps 94, 8). Et ailleurs : “Qui a des oreilles pour entendre, qu’il écoute ce que l’Esprit dit aux Églises” (Ap 2, 7). Et que dit-il ? “Venez mes fils écouter moi, je vais vous enseigner la crainte du Seigneur” (Ps 33, 12). “Courez pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous saisissent” (Jn 12, 35). » (Prol. 8-13)
Le psaume 94 est ou était chanté chaque jour au début de l’office des Vigiles dans la liturgie bénédictine : c’est par excellence le psaume invitatoire, le psaume qui invite à la prière avec ses différentes composantes.
Tout d’abord, un appel général à la louange : « Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons le Rocher qui nous sauve ! Avançons-nous vers lui en rendant grâce ! À lui, nos chants et nos acclamations ! » . Ensuite, une action de grâce pour l’œuvre de la création : « Il est le grand Dieu, lui, le Seigneur, le Roi plus grand que tous les dieux ! Dans sa main, les profondeurs de la terre ; à lui aussi les sommets des montagnes. À lui la mer, c’est lui qui l’a faite, et les continents que ses mains ont pétris ». Avant même d’être reconnu comme Créateur de toutes choses, le Seigneur est confessé comme le Dieu unique, le Dieu grand au-dessus de toutes grandeurs, de toutes hauteurs. C’est pourquoi il peut contenir en sa main tous les éléments créés, des profondeurs de la terre aux sommets des montagnes, sur toute la largeur des mers et des continents.
Puis, vient une prière reconnaissante pour l’œuvre du salut en relation directe avec la marche au désert et les merveilles qui s’y sont accomplies par la main du Seigneur. Cette prière est accompagnée d’une invitation au repentir, garant de la véritable action de grâce : « Venez, inclinez-vous, prosternez-vous ! Adorons le Seigneur qui nous a faits ! Oui, il est notre Dieu et nous le peuple qu’il conduit, le troupeau guidé par sa main… N’endurcissez pas vos cœurs comme au désert, comme au jour de la révolte et du défi lorsque vos pères m’ont défié et provoqué, eux qui pourtant ont vu ce que j’ai fait ! » Cette action de grâce pour la rédemption et cet appel au repentir sont conjoints avec une nouvelle confession de foi : « Il est notre Dieu et nous le peuple qu’il conduit… ».
Enfin, le psaume se termine par une évocation de la promesse faite par Dieu à l’homme de pouvoir partager sa vie dans son repos éternel, dans le sabbat dernier, si son cœur ne s’égare pas, avec une nouvelle référence au péché d’Israël dans le désert : « Quarante années, j’ai supporté cette génération ; j’ai dit : “C’est un peuple au cœur égaré ; il ne veut rien savoir de mes chemins”. Aussi je l’ai juré dans ma colère : “Jamais ils n’entreront dans le pays de mon repos !” ».
Au milieu de tout cet ensemble vient le verset cité par saint Benoît : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ! ». Il y a donc dans ce psaume la dimension de la mémoire, celle de la promesse et celle qui donne sens aux deux, de l’actualité quotidienne. C’est là une des clés de la spiritualité chrétienne. Saint Benoît, à la suite de la tradition monastique, en est un commentateur particulièrement remarquable.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de vivre chaque jour éveillé. Chaque matin et chaque instant de la journée sont un appel lancé par la voix de Dieu. Cet appel ne peut être perçu que par ceux qui s’y rendent attentifs. Ceux qui ouvrent les yeux et les oreilles de leur cœur pour voir et pour entendre « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Co 2, 9 cité par RB 4, 77). Ce qui peut nous rendre malheureux en cette vie, c’est d’être enfermé dans l’illusion des sens extérieurs. Si je ne vois qu’avec mes yeux de chair, si je n’entends qu’avec les oreilles de mon corps, je n’ai encore rien vu et rien entendu qui puissent me donner de goûter la vraie vie.
Chaque jour, en chaque seconde, à travers les êtres et les choses créés, nous est donné la totalité de l’existence. Mais, souvent, nous dormons et nous ne faisons que rêver. Il est urgent, constamment urgent de se réveiller, de se lever, de ressusciter et de se mettre à écouter : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ». Là est un des propos essentiel de l’Évangile. Pour pouvoir écouter, il faut que soit touché le cœur, qu’il soit converti, circoncis. Il faut relire à ce propos le discours sur la montagne au début de l’Évangile de saint Matthieu. Dès le premier verset du Prologue, saint Benoît nous y invite : « Écoute, incline l’oreille de ton cœur » (Prol. 1).
En commentant le verset précité du psaume 94, l’épître aux Hébreux actualise d’une manière particulièrement forte notre relation à la Parole de Dieu que l’homme reçoit pour la mettre en pratique afin de pouvoir un jour goûter le repos de Dieu : « Vivante est la Parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur. Aussi n’y a-t-il pas de créature qui reste invisible devant elle, mais tout est nu et découvert aux yeux de Celui à qui nous devons rendre compte » (He 4, 12-13). Notre vie est-elle tout orientée dans cette perspective de l’aujourd’hui de la Parole qui advient en nos vies humaines afin que nous puissions dire avec le Christ : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » (Lc 4, 21) ?
« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » (Mt 6, 11 ; Lc 11, 3)
Il ne suffit pas d’incliner l’oreille de son cœur et de ne pas l’endurcir pour pouvoir entendre l’appel du Seigneur à travers sa Parole de chaque jour, il faut aussi accepter de recevoir ce que le Seigneur prévoit pour nous au quotidien, selon sa volonté.
Il est bon ici de se référer à l’expérience d’Israël au désert. Le Seigneur pourvoit gratuitement à la faim de son peuple en lui envoyant durant la nuit « une couche de rosée tout autour du camp ». Cette couche de rosée, une fois évaporée au matin, laisse apparaître sur la surface du sol quelque chose de menu et de granuleux. « C’est le pain que le Seigneur vous a donné à manger. Voici ce que le Seigneur a ordonné : Recueillez-en chacun selon ce qu’il peut manger ». Et Moïse leur dit : « Que personne n’en mette en réserve jusqu’au lendemain » ; « Ils en recueillirent chaque matin, chacun selon ce qu’il pouvait manger et quand le soleil devenait chaud, cela fondait » (cf. Ex 16, 13-21). La nourriture quotidienne de la manne descendue du ciel, voilà un élément clé de la spiritualité de l’aujourd’hui proposé par Dieu à son peuple.
L’Évangile de saint Matthieu donne un beau commentaire de ce don venant du ciel : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. […] Ne vous inquiétez pas en disant : Qu’allons-nous manger, qu’allons-nous boire ? De quoi allons-nous nous vêtir ?… Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 25-34).
Faut-il donc prendre ces textes au pied de la lettre ? Non, ce n’est pas suffisant, il est nécessaire de les interpréter. Mais il est aussi indispensable de savoir vivre cet abandon au jour le jour dans la confiance d’une foi toujours à renouveler. Il est bien clair que notre quête est rarement le Royaume de Dieu d’abord, et c’est bien cela qui pose problème. Si comme les Israélites dans le désert nous voulons faire des provisions de manne, si nous voulons thésauriser le don de Dieu, si nous n’acceptons pas de recevoir chaque jour les dons qui nous sont seulement nécessaires, nous ne pourrons accomplir la vie de Dieu en ce monde.
Le discours sur le Pain de vie présente l’accomplissement de ce signe de la manne. Le Christ nous y révèle qu’il est lui-même le Pain de vie. « Vos pères dans le désert ont mangé la manne et sont morts ; ce pain est celui qui descend du ciel pour qu’on en mange et ne meure pas. Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais » (Jn 6, 49-51).
Notre seule véritable nourriture quotidienne, c’est le Christ, donné pour que le monde ait la vie. Nous le recevons dans sa parole ruminée et dans la prière, dans le pain de l’eucharistie et des sacrements ainsi que dans la communion fraternelle.
Ainsi « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » ne peut bien se comprendre que dans cette relation chaque jour nouvelle au Christ livré. C’est ainsi que nous pouvons chercher le Royaume et sa justice, c’est ainsi que nous pouvons nous contenter de la nourriture quotidienne.
Toute la vie du Christ est ainsi faite, saint Luc le rapporte à sa manière : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » (4, 21) ; à la suite de la guérison du paralytique, les témoins s’exclament : « Nous avons vu d’étranges choses, aujourd’hui » (5, 26). « Voici que je chasse des démons et accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je suis consommé ! Mais aujourd’hui, demain et le jour suivant, je dois poursuivre ma route, car il ne convient pas qu’un prophète périsse hors de Jérusalem » (13, 32-33). « Zachée, descends vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. […] Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison… » (19, 5-9).
Ainsi, il est possible de nous interroger sur notre nourriture quotidienne. Est-ce vraiment de recevoir d’abord le Christ pour accomplir la volonté qui est en Dieu, ou bien est-ce de se soucier d’une accumulation tout à fait superflue que nous ne pourrons emporter dans la tombe ? Notre vie est-elle sous le signe premier de l’eucharistie avec toutes ses dimensions spirituelle, personnelle, communautaire et sociale, ou bien est-ce autre chose particulièrement vain ? Accepter de recevoir la nourriture quotidienne du Christ, c’est accepter que nos plans immédiats soient déroutés, et le vivre joyeusement à la suite de Jésus qui monte à Jérusalem vers son Exode.
Saint Benoît prescrit à l’abbé de se rappeler cet enseignement de l’Évangile, de peur qu’« il oublie que ce sont des âmes qu’il a reçues à conduire et qu’il devra en rendre compte. Ainsi il ne se préoccupera pas à l’excès de la modicité des ressources du monastère, il se rappellera qu’il est écrit : “Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice : le reste vous sera donné par surcroît” » (RB 2, 35).
Le jour du Seigneur
Mais l’aujourd’hui réel de la vie des croyants, c’est le grand aujourd’hui de Dieu qui s’étend sur toute l’histoire et bien au-delà. Pour le Seigneur en effet, « mille ans sont comme un jour » (Ps 89) et « mieux vaut un jour dans les parvis du Seigneur, plutôt que mille en ma demeure » (Ps 83, 11). Cet aujourd’hui de Dieu est celui de sa venue permanente. Le Seigneur ne cesse de venir, il visite sa création, il lui adresse la parole, il s’y incarne, il lui promet sa venue glorieuse lorsque le Christ sera tout en tous.
Ainsi la Révélation biblique est ponctuée de l’annonce de cet aujourd’hui de Dieu qui se manifeste constamment dans la vie des hommes : « Il y eut un soir, il y eut un matin, ce fut le jour un » (Gn 1) ; « Voici le jour où le Seigneur agit » ou « Voici le jour que le Seigneur a fait » (Ps 117) ; « En ce jour-là… » ne cessent de dire les prophètes ; cette expression ne vise pas obligatoirement une projection dans l’avenir, elle est une annonce du jour d’aujourd’hui où chacun est appelé à choisir entre la vie et la mort (cf. Deutéronome). L’Évangile de saint Luc s’ouvre sur cette annonce de la Bonne Nouvelle : « Aujourd’hui un Sauveur vous est né » (Lc 2, 11) et se conclut sur cette promesse : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43).
Mais ce qui exprime le mieux ce grand jour de Dieu, c’est l’aujourd’hui de la célébration liturgique. Dans la liturgie latine, hodie résonne comme une espérance inouïe tout au long de l’année. L’hodie le plus célèbre est celui de Noël : « Hodie Christus natus est… » – « Aujourd’hui, le Christ nous est né ; aujourd’hui, le Sauveur est apparu ; aujourd’hui les anges chantent sur la terre, les archanges se réjouissent ; aujourd’hui, les justes exultent, en disant : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux.” » (antienne du Magnificat des 2es Vêpres de Noël). Cette antienne trouve sa préparation dans l’office de la Veille de Noël où est annoncée l’aujourd’hui de la révélation : « Aujourd’hui, vous saurez que le Seigneur va venir, et au matin, vous verrez sa gloire ». On peut ajouter à cette antienne de Noël celle de l’Épiphanie : « Hodie caelesti sponso » – « Aujourd’hui, l’Église s’est unie à son époux céleste, car le Christ l’a lavée de ses fautes dans le Jourdain ; les Mages accourent avec leurs présents aux noces royales et les convives sont réjouis par l’eau changée en vin » (ant. du Benedictus des Laudes de l’Épiphanie). L’antienne du Magnificat des deuxièmes Vêpres reprend ce thème : « Aujourd’hui, l’étoile a guidé les Mages à la crèche ; aujourd’hui, l’eau s’est changée en vin au festin des noces ; aujourd’hui, dans le Jourdain, le Christ a voulu être baptisé par Jean, afin de nous sauver. » Dans le même esprit, l’antienne du Magnificat des deuxièmes Vêpres de la Pentecôte énonce le Mystère actualisé en ce jour : « Aujourd’hui sont accomplis les jours de la Pentecôte ; aujourd’hui, l’Esprit Saint est apparu aux disciples sous la forme du feu, et a répandu sur eux les dons mystérieux ; il les a envoyés dans le monde entier prêcher et rendre témoignage. Ceux qui croiront et recevront le baptême seront sauvés ». Entre les deux, il y a évidemment le dimanche de Pâques et le Temps pascal où retentit le « Haec dies quam fecit Dominus » tiré du psaume 117, 24, le psaume pascal par excellence : « Voici le jour qu’a fait le Seigneur, exultons, soyons dans l’allégresse en lui ». Ce jour est le Jour des jours : le véritable aujourd’hui de la vie divine. Quelques antiennes mariales récentes (8 décembre, 11 février) ont repris ce thème, et la liturgie bénédictine l’a appliqué à saint Benoît, sainte Scholastique et saint Maur. Le dimanche est le grand Jour du Seigneur, à la fois premier jour de la création, ainsi que de la rédemption dans la résurrection du Christ, et huitième jour, jour au-delà des jours, jour de Dieu transfigurant toutes choses, jour de sa venue. Le sacramental du dimanche est vraiment d’une grande importance pour l’expression de la vie du Christ. Il faut développer en chacune de nos vies une spiritualité de ce quotidien qui est l’aujourd’hui de Dieu. C’est le jour de la naissance, c’est le jour du commencement, du recommencement, c’est le jour de la résurrection et c’est aussi l’aujourd’hui de l’éternité, le jour où les apparences s’effacent pour laisser place à la réalité, le jour du discernement qui est un autre nom du jugement.
En chantant les mystères dans l’aujourd’hui, la liturgie leur donne de se réaliser ici-bas en figure. Les fidèles se rendent ainsi contemporains des mystères célébrés qui ont pris chair un jour du temps et qui sont toujours d’actualité. C’est bien le sens du mémorial chrétien.
Un vieux moine de notre monastère, décédé il y a quelques années, a vécu la dernière période de sa vie dans la conviction que chaque matin, c’était dimanche, et comme il était aide-sacristain, il préparait chaque jour tout ce qui était nécessaire pour la liturgie du dimanche. Bien sûr, ce moine âgé avait un peu perdu la tête, à moins en fait, que ce soit nous qui l’ayons vraiment perdue, et que lui, dans cette candeur, l’ait retrouvée après quelque soixante-dix ans de vie monastique.
Un moine du désert d’Égypte, au 4e siècle, se répétait chaque matin : « Aujourd’hui, je commence ». Que ce commencement ne cesse jamais d’habiter notre action : Nous irons ainsi, selon le mot de Grégoire de Nysse, « de commencement en commencement, par des commencements qui n’ont pas de fin » et c’est ainsi que nous parviendrons au jour sans déclin que Dieu nous offre déjà en figure.
Conclusion
Il ne suffit pas de poser quelques principes d’analyse, il faut aussi leur donner des conséquences concrètes.
Allons-nous écouter vraiment l’appel qui résonne à nos oreilles de la part de Dieu ? Allons-nous avoir le cœur assez réceptif pour entrer dans l’aujourd’hui de la Parole ? Demandons-nous vraiment si nous fréquentons la Parole divine, d’une manière ou d’une autre (lectures bibliques et spirituelles, prière, méditation, rumination, lectio divina). Notre aujourd’hui est-il celui d’un avènement de Dieu en nous et autour de nous, cherchant et appelant son ouvrier dans la multitude d’une manière toujours inattendue ? Allons-nous faire de notre vie un compagnonnage quotidien ? Comment partager le Pain de Dieu en frères et sœurs ? Comment recevoir la manne qui est le vrai Pain de vie ? Il est clair que lorsque l’on sait que la moitié des habitants de notre planète meurent de faim, on se demande vraiment où est passée la prière : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » ; y a-t-il donc impossibilité à nous rendre disciples dans la traversée du désert de ce monde ?
Enfin, comment notre vie témoigne-t-elle du Jour au-delà des jours ? Savons-nous relativiser les biens immédiats pour nous en remettre à Dieu, dans le courage d’un travail inlassable, mais défait du souci de nous faire valoir nous-mêmes ? Le jour de Dieu est toujours un jour de jugement où l’on est mis à nu pour être vraiment ce que nous devons être : de simples créatures, de simples serviteurs qui se savent enfants de Dieu pour l’éternité. Là est notre trésor, et « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21).
« Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous, passons-le dans la joie. » (Ps 117, 24)