Dom Bernardus Peeters, ocso
Abbé général

Un petit début du chemin synodal
dans l’OCSO

 

DomBernardusLe 11 février 2022, le Chapitre général de l’Ordre des Cisterciens de la Stricte Observance, à Assise (Italie), m’a élu comme son nouvel Abbé général. C’est un événement qui s’est déroulé dans une impressionnante atmosphère de synodalité, sans que ce thème soit explicitement abordé. La synthèse présentée à la fin de cette première partie du Chapitre résumait l’expérience comme suit : À ce chapitre « nous nous rendons compte qu’aucune solution ne peut donner espoir si elle ne marque pas le début d’une marche commune, d’un cheminement synodal, dans lequel nous trouvons unité et énergie à la suite du Christ, chemin, vérité et vie, lui qui nous appelle à le suivre avec amour et confiance ».

Bien que la synodalité n’ait pas été un thème explicite, elle était bien sûr dans l’air puisque nous faisons partie d’une Église pleinement engagée dans le processus synodal menant au synode des Évêques en 2023. Le nouvel Abbé général et son Conseil ont donc été invités à initier le processus synodal dans l’Ordre. Au cours des derniers mois, j’ai commencé à le faire.

Comme nous prévoyions de célébrer la deuxième partie de notre Chapitre général en septembre 2022, j’ai dit aux supérieurs, après mon élection, que j’aimerais visiter toutes les réunions régionales qui auraient lieu entre-temps, afin de mieux connaître les supérieurs de l’Ordre mais aussi d’écouter ce qu’ils considèrent important en ce moment pour la vie de l’Ordre. J’ai donné ma parole et ainsi, le 20 mai, j’ai quitté Rome pour un voyage de six semaines afin de participer à diverses réunions régionales en Angleterre, en Belgique, en France, au Canada, aux États-Unis et en Espagne. L’accent était davantage mis sur les rencontres des supérieurs et moins sur la visite des communautés individuelles, bien que certaines communautés aient également été visitées au cours de ce voyage.

Auparavant, j’avais demandé aux réunions régionales de partager entre elles et avec moi leurs rêves sur l’avenir de l’Ordre. Pour que ces rêves ne soient pas irréalistes, je leur ai demandé également de partager comment elles voient la réalisation de ce rêve dans l’esprit d’une Église synodale en laquelle la participation et la coresponsabilité sont essentielles (Document préparatoire, 20 et VIII). Écoutons avec l’Esprit Saint qui nous a donné le charisme qui est le nôtre, à travers la Parole et la Tradition, dans le désir non pas d’une autre vie cistercienne mais d’une vie cistercienne différente.

J’en suis venu à cette question parce que pendant la première partie du Chapitre général, j’ai lu le livret du pape François « Let us dream. The path to a better future » (Simon & Schuster, New York, 2020). Il a écrit ce livret en pleine pandémie et y affirme que les rêves peuvent nous aider à sortir de la crise. D’une triple manière, les rêves nous aident à faire face à la réalité et à voir des ouvertures vers un nouvel avenir. Voir - choisir - agir sont les trois étapes que nous devons franchir à partir de nos rêves.

« C’est le moment de rêver grand, de repenser nos priorités – ce que nous apprécions, ce que nous voulons, ce que nous recherchons – et de nous engager à agir dans notre vie quotidienne sur ce dont nous avons rêvé. Ce que j’entends en ce moment est similaire à ce qu’Isaïe entend Dieu lui dire : “Venez et discutons, dit le Seigneur”. Osons rêver. » (Prologue)

Cela s’est avéré être un bon outil pour que les supérieurs se parlent d’une manière complètement nouvelle. Normalement, les réunions régionales se caractérisent par le partage de rapports sur la situation dans les communautés. Souvent, cela reste très extérieur, car se rendre vulnérable les uns aux autres reste une tâche difficile, même pour les supérieurs. Dans toutes les réunions régionales au cours de mon voyage, la même expérience a été que le partage des rêves de chacun a amené les personnes présentes à un autre niveau. Il n’y avait aucune intention de se disputer ou de défier les rêves de l’autre. Juste un exercice d’écoute, dans le respect de voir, de choisir et d’agir. L’intention est que je rassemble tous ces rêves et que je prononce à partir de là un discours d’ouverture pour la deuxième partie de notre Chapitre général en septembre. Ce processus de rêve est une première étape dans le processus synodal que nous avons commencé dans l’Ordre. Cela a commencé très timidement parce que, rêver, n’est-il pas irréaliste ? Mais entre-temps, de nombreuses communautés se sont emparées de la question et ont déjà commencé à rêver et à écouter les rêves des autres. Encore faudra-t-il faire d’autres pas sur le chemin synodal, mais nous avons le temps.

On entend souvent dire que la vie monastique est synodale par nature. Oui, c’est certainement vrai, mais comme je l’ai dit à la fin de la première partie du Chapitre général, il est parfois bon de redécouvrir ce que l’on a. Et avouons-le, la synodalité est peut-être dans nos structures, mais l’utilisons-nous vraiment ?

« C’est vrai, l’écoute est omniprésente dans la Règle, mais écoutons-nous vraiment Dieu dans notre prière, notre lectio et notre travail ? Sommes-nous, en tant que supérieurs, de bons écoutants des uns et des autres dans la communauté, ou n’écoutons-nous qu’un groupe privilégié de frères ou de sœurs ? Il est facile de dire que nous écoutons les plus jeunes mais est-ce bien la réalité ? Comment écoutons-nous notre Église locale à laquelle nous appartenons ? Qu’en est-il de notre écoute de ceux qui frappent à nos portes ? Sont-ils vraiment le Christ ou nous dérangent-ils ? Ce Chapitre général m’a convaincu que nous avons la capacité d’écouter. Cela est possible parce que nous avons reçu par notre baptême, sans exception, ce don du Saint-Esprit. Il a été confirmé par notre confirmation et il se nourrit quotidiennement de l’eucharistie. Mon rêve, pour nous tous, sera que nous devenions de vrais écoutants ! Mais attention, cela exige de nous tous la conversion ! » (discours de clôture de la 1re partie du Chapitre général 2022)

Il est encore trop tôt pour tirer les conclusions de ce voyage à travers les rêves des différents groupes régionaux. Au moment où j'écris ces lignes, il me reste à en visiter quelques-uns encore et parmi eux se trouvent les trois grandes régions de l’hémisphère sud. Un résumé ou une conclusion serait donc trop prématuré et témoignerait d’une attitude non synodale. D’autant plus que j’ai l’ambition d’impliquer davantage ces régions dans la direction que doit prendre l’Ordre.

Ce premier grand voyage confirme le sentiment général de la première partie du Chapitre général que nous devons accorder plus d’attention à une croissance personnelle et communautaire du « je » au « nous ». Marie nous montre le chemin comme il se doit pour de bons cisterciens. À la fin de la première partie du Chapitre général, j’ai donné aux supérieurs l’icône de Marie, Vierge du silence, comme moyen d’être bien accompagné sur le chemin synodal et, dans l’écoute, en vivant les trois mouvements de cette icône : arrêtez-vous, calmez-vous et attendez !