De sœur Judith Ann Heble, osb, présidente de la CIB
Pour la rédaction de cet article, je suis tout d'abord redevable à sœur Ruth Fox, osb (1), qui a raconté, dans le Symposium Spécial (rapport pour le troisième symposium international des Bénédictines), les débuts de l'histoire de la création de la Commission des Moniales et Sœurs. A partir de 1997, les renseignements fournis proviennent de ma propre expérience à la Commission et à la CIB.
Bon anniversaire, AIM !
On était en 1961 : L'AIM naissait. Au cours de ces cinquante dernières années, l'AIM devait devenir une des principales sources de financement pour les communautés bénédictines dans les pays en voie de développement. L'AIM a été très largement soutenue par l'engagement financier de nombreuses communautés bénédictines d'hommes et de femmes, dont certaines ont créé des antennes AIM locales pour aider à collecter les fonds destinés à soutenir des monastères dans le monde entier.
Le défi de Vatican II
L'AIM a démarré peu avant l'ouverture du Concile Vatican II (1962-1965). Le 28 octobre 1965, le Pape Paul VI publia le Décret sur la Rénovation et Adaptation de la Vie religieuse Perfectae Caritatis.
Les religieuses bénédictines du monde entier s'engagèrent par l'intermédiaire de leurs Chapitres généraux respectifs, dans le travail de rénovation de leurs communautés, en accord avec l'esprit et le charisme de leur fondateur, saint Benoît. La révision des constitutions, directoires, coutumiers, cérémonials, livres et rituels liturgiques exigea un temps et une énergie considérables de la part des Bénédictines à travers le globe.
Au paragraphe 23 du Décret Perfectae Caritatis, il a été expressément stipulé qu'il fallait encourager la tenue de conférences et de conseils des Supérieures Majeures en vue de réaliser entre elles une collaboration plus efficace, de partager les expériences et les capacités, et même, dans certains cas, d'aider des communautés plus petites à sortir de leur isolement et à entrer en contact avec d'autres communautés.
Pendant quelque soixante-dix ans (2), cette sorte de collaboration avait existé entre les supérieurs des communautés bénédictines masculines grâce au Congrès des Abbés qui se tenait régulièrement. la Confédération Bénédictine avait été créée pour promouvoir et cimenter un contact international entre et parmi les monastères bénédictins d'hommes en vue de poursuivre la tradition du monachisme occidental (3). Les communautés bénédictines féminines n'avaient que peu ou pas d'occasions de se rencontrer pour établir entre elles des relations. Le large univers des communautés bénédictines de femmes restait pratiquement, pour chacune d'entre elles, un ailleurs inconnu en dehors de sa propre région géographique.
Avec tout ce qui se passait dans l'Eglise, et dans la vie religieuse en particulier, à la suite de Vatican II, une question se faisait jour : y avait-il une possibilité d'établir une forme de solidarité quelconque entre les Bénédictines à travers le monde ?
1966-1976 – Efforts en vue de la reconnaissance des Bénédictines
En 1966, Dom Benno Gut, Abbé Primat, prit l'initiative. Il espérait établir un « Secrétariat International au sein de la Confédération, lequel se consacrerait exclusivement aux intérêts des moniales et des sœurs. Il semble qu'aucune action n'ait été entreprise à cette époque pour organiser ce Secrétariat » (4).
Après son élection comme Abbé Primat en 1967, Dom Rembert Weakland reprit l'initiative de son prédécesseur en ce qui concerne la vie monastique féminine. En 1968, le Synode des Abbés Présidents vote sous sa direction que l'Abbé Primat créerait deux commissions, une pour les moniales et une pour les sœurs, avec une représentation égale dans chaque commission et toutes deux avec la même secrétaire (5).
« Il essaya de ne créer qu'une seule commission moniales et sœurs, mais fut contraint par la Congrégation des Religieux de former deux groupes distincts. » (6) Pendant les années qui suivirent, ces deux commissions se réunissaient séparément avec l'Abbé Primat pour partager leurs soucis et leurs souhaits. Lors de ces réunions, certaines des assistantes rêvaient d'un temps où moniales et sœurs pourraient s'asseoir ensemble autour de la table.
En 1972, le Synode des Présidents invita la Commission des Moniales et plusieurs Prieures générales des sœurs à assister au Congrès des Abbés à titre d'observatrices. Ces déléguées des monastères eurent l'occasion de se rencontrer dans cette session. Cela donna un élan qui deviendrait plus tard une réalité agissante. « L'Abbé Primat Weakland, dans son allocution d'ouverture au Congrès des Abbés, le 19 septembre 1973, accueillit des Religieuses bénédictines au Congrès pour la première fois dans l'Histoire : "Puisque les femmes qui suivent la Règle de Benoît ont joué un rôle si important dans l'histoire du monachisme, il est impératif que leur expérience monastique soit partagée par tous. Les inviter au Congrès des Abbés était le seul moyen de faire que ce partage puisse avoir lieu". Elles n'étaient invitées à parler que sur l'unique sujet impliquant directement les femmes – l'affiliation à la Confédération. » (7)
1977-1987 – Une décade historique
Les femmes furent invitées à nouveau en tant qu'observatrices au Congrès des Abbés de 1977. « Elles rencontrèrent l'Abbé Primat, récemment élu, Victor Dammertz, qui confirma l'importance grandissante des deux commissions. Une suggestion fut faite à ce Congrès en faveur d'un congrès international des Bénédictines ou d'une conférence commune hommes-femmes. Il y fut répondu que :
1- il n'y avait pas de structures d'accueil suffisantes ;
2- les femmes ne seraient pas à même d'affronter la ville ;
3- les moniales ne recevraient pas l'autorisation d'être présentes. » (8)
En 1980, les Bénédictines du monde entier saisirent l'occasion de trouver un motif de célébration avec le 1500e anniversaire de la naissance de saint Benoît en 480. Un grand nombre d'entre elles se joignirent à d'autres communautés bénédictines de femmes et d'hommes, dans leur propre région géographique, pour célébrer leur gratitude pour le charisme reçu par chacun. La Confédération fit aussi une célébration du quinzième centenaire à Rome. « Sur les quelque 600 Abbesses et Prieures existant dans le monde, 55 seulement furent invitées à se joindre aux 400 Abbés bénédictins, cisterciens et trappistes venus à Rome du 17 au 21 septembre. Ce fut la première fois dans l'histoire que la famille bénédictine se rencontrait. Le but de cette assemblée était d'étudier le rôle de la Règle et du Monastère dans la société contemporaine. La "Commission Internationale" qui avait planifié l'événement comprenait des hommes, et les femmes suivantes : sœur Joan Chittister, Etats-Unis ; Mère Bénigne Moreau, France ; Mère Judith Frei, Allemagne". » (9)
Les femmes de la Commission Internationale étaient invitées à titre d'observatrices pour le Congrès des Abbés qui suivait l'assemblée du quinzième centenaire. « Comme lors des rencontres précédentes, les Abbés ont étudié comment les Bénédictines pourraient être agrégées à la Confédération, et comment cette relation pourrait trouver son expression dans leur Droit Propre. La Commission des Moniales et la Commission des Sœurs avaient aussi déjà étudié les implications de cette agrégation, aussi bien que la structure de leur propre organisation. Bien que datant déjà de dix ans, les objectifs, la composition, l'organisation et les modes de fonctionnement continuaient à évoluer » (10).
« Trois ans plus tard, en 1983, l'Abbé Primat Dammertz, à la demande de la Commission des Moniales et de la Commission des Sœurs réunit une assemblée, pour la première fois en dehors du Congrès des Abbés, pour la Commission des Sœurs. Il souhaitait dialoguer avec chaque groupe au sujet des nouveaux statuts relatifs à l'association des Bénédictines à la Confédération » (11).
"Mère Edeltrud Weist rappelle quatre points de cette mémorable rencontre des sœurs, qui jeta les semences du premier symposium :
1- Le regret que les Bénédictines ne soient pas acceptées comme membres à part entière de la Confédération Bénédictine.
2- Le fait que les Bénédictines soient partagées en deux groupes alors que les moines ne le sont pas.
3- Le désir de former une assemblée commune avec la Commission des moniales et
4- le désir d’un symposium moniales/sœurs à un niveau international (12).
En 1984, après s’être d’abord rassemblées séparément, la Commission des Moniales et la Commission des Sœurs se rencontrèrent à Rome pour la première fois, afin d’étudier la possibilité de tenir une assemblée commune en 1987, moniales et sœurs réunies. L’Abbé Primat, Victor Dammertz désigna cinq moniales et sœurs pour former un comité préparatoire en vue de la tenue d’une assemblée commune : Mère Edeltrud Weist (Tutzing/Rome) ; Mère Bénigne Moreau (France) ; Mère Hildegarde Sutto (Italie) ; Mère Amparo Moro Suarez (Espagne) ; et Sœur Joan Chittister (Etats-Unis).
Il y avait encore de forts remous d’opinion parmi de nombreuses moniales qui, vivant sous une clôture stricte, sentaient qu’il leur serait impossible d’inviter les sœurs à leurs rencontres sans s’attirer le mécontentement du Vatican. Et cela arriva. « L’excitation et l’enthousiasme suscités en faveur de la première conférence internationale commune moniales/sœurs en 1987 furent considérablement refroidis lorsque la Sacrée Congrégation des Religieux refusa aux moniales la permission de rencontrer les sœurs. » (13)
Le premier symposium international des Bénédictines
Que fallait-il faire pour contourner cette situation apparemment impossible qui bloquait tut ce qui était en train d’émerger parmi elles ? En 1987, les sœurs invitèrent six moniales à Rome pour un symposium sur le thème : « Implications de la Règle de saint Benoît sur la vie des Bénédictines ». Quarante sœurs étaient présentes. Cette réunion se faisait sous l’égide de Mère Edeltrud Weist, Prieure générale des Sœurs Bénédictines Missionnaires de Tutzing, qui recevait à La Casa Santo Spiritu, généralat de la Congrégation à Rome. Les choses ne devaient plus être tout à fait les mêmes après cette rencontre. Les Bénédictines – à la fois moniales et sœurs – commencèrent à chercher des moyens de travailler ensemble, comprenant qu’un tel lien serait un enrichissement pour les deux modes d’expression de la vie bénédictine et pour la vie des Bénédictines en tous lieux. Il y avait des femmes courageuses tant parmi les moniales que parmi les sœurs, et elles ne laisseraient pas mourir cette idée. L’Abbé Primat Victor Dammertz et ses successeurs reconnaissaient aussi que les femmes avaient besoin de se rencontrer et soutenaient leurs efforts pour établir une collaboration entre elles. « Selon les rapports des participants, tous les documents étaient excellents, mais une part importante du dialogue réel s’est faite à un niveau plus informel, au cours des repas et au bar, autour d’un café. » (14)
1988-1996 – Moniales et sœurs se réunissent
En 1988, l’Abbé Primat Victor Dammertz fit fusionner la Commission Moniales et la Commission Sœurs pour former ce qu’il appela la Commission Moniales-Sœurs de l’Abbé Primat. 18 régions (plus tard, 19), à travers le monde avaient qualité de membres y compris la Prieure générale des Sœurs Bénédictines Missionnaires de Tutzing et un représentant de l'AIM. L'Abbé Primat organisa aussi un Comité exécutif (appelé plus tard Conseil d'Administration), et lui confia la tâche d'organiser le prochain symposium pour 1993 – qui réunirait à la fois les moniales et les sœurs – ainsi que de rédiger les premiers statuts de la Commission Moniales-Sœurs de l'Abbé Primat. Dans ces premiers statuts, l'objet de la Commission était défini comme étant avant tout un rôle d'organe consultatif pour l'Abbé Primat, non un moyen de communication internationale entre les membres féminins de l'Ordre bénédictin. Il n'était pas envisagé, à l'époque, qu'il puisse y avoir des rencontres régulières.
Pendant cette même année, il se produisit, en dehors de cette structure, un événement qui se révéla être bénéfique par le fait qu'il rendit plus profonde la compréhension entre les moniales et les sœurs. Les Prieures américaines organisèrent un pèlerinage vers un certain nombre de monastères de femmes en Europe, dont beaucoup étaient des communautés de moniales cloîtrées. Ces rassemblements informels approfondirent les relations entre elles toutes, par le fait qu'elles se regardaient dans une perspective différente et un cadre plus décontracté. Lorsque les sœurs firent l'expérience de l'hospitalité des moniales et partagèrent leur prière, lorsqu'elles rompirent le pain ensemble, les craintes commencèrent à se dissiper et des amitiés virent le jour.
Le second symposium international des Bénédictines
Du 14 au 23 septembre 1993 eut lieu le Second Symposium International : « Inculturation de la vie monastique », à Saint-Anselme à Rome, avec quarante moniales et quarante sœurs. Ceux qui avaient établi le programme avaient pris soin d'inclure à la fois les moniales et les sœurs, ainsi que des représentants des différentes cultures dans le choix de ceux qui présentaient les documents à étudier et discuter. Les échanges d'idées et de points de vue élargirent la compréhension, non seulement du sujet étudié, mais des participants les uns envers les autres. On commençait à réaliser que chacun avait mission de vivre la vie monastique, et que le monachisme bénédictin féminin était vraiment en train de s'inculturer dans toutes les parties du monde. Des groupes informels se constituèrent aussi par le fait que des moniales et des sœurs cherchaient à se connaître pendant les pauses et les repas et partageaient les unes avec les autres sur leurs vies si différentes et pourtant si semblables. Une participante se rappelle que l'une des Abbesses italiennes prit sur elle d'aller vers le consistoire compétent, au Vatican, pour exprimer son souci en ce qui concerne les distinctions faites entre les moniales et les sœurs, et pour soutenir la notion d'égalité et le besoin de collaboration réciproque. « Tandis que se poursuivaient l'étude des documents, le dialogue et les conversations informelles, toutes les vieilles barrières historiques entre moniales et sœurs vinrent s'écrouler sur le sol, lorsqu'une Abbesse proclama : "Nous sommes Une" et que l'assemblée entière répondit en applaudissant. Deux décisions ont manifesté cette unité :
1- La rédaction d'une pétition demandant au Vatican qu'une religieuse bénédictine (devant représenter à la fois les moniales et les sœurs) soit invitée en tant qu'observatrice au prochain Synode sur la Vie consacrée (15), et
2- que des symposiums internationaux soient tenus tous les 4 à 6 ans.
Parmi la grande diversité des langages, du vêtement et de la culture, l'unité de l'esprit bénédictin s'est imposée, et les membres de l'assemblée sont rentrées chez elles en célébrant un nouveau lien international. » (16)
L'Abbé Primat Jérôme Theisen convoqua la Commission Moniales-Sœurs de l'Abbé Primat à Rome pour une rencontre de trois jours, du 22 au 25 mai 1995. « L'éternel sujet de la relation des Bénédictines avec la Confédération fut à nouveau étudié, aussi bien que la signification de la clôture monastique par rapport à la clôture papale, et les programmes de renouveau monastique pour les femmes. Il fut également proposé à nouveau, mais non mis en œuvre, que "soit établi un secrétariat permanent, en tant que conséquence naturelle et nécessaire de ces expériences qu'ont pu faire les Bénédictines en matière de travail commun et de partage". » (17)
A la suite du décès prématuré de l'Abbé Primat Theisen, le Comité Exécutif de la Commission Moniales-Sœurs réalisa qu'il n'avait personne pour convoquer une assemblée et aucune structure de décision pour définir un mode de procédure. Ceci amena à apporter des modifications supplémentaires au projet de statuts, l'idée étant d'élire une personne compétente ayant aussi pouvoir de convoquer une réunion du Comité Exécutif plutôt que de dépendre encore de l'initiative de l'Abbé Primat (18).
A la suite du décès de l'Abbé Primat Theisen, l’Abbé Vice-Primat Francis Rossister invita les membres de la Commission Moniales-Sœurs de l’Abbé Primat à assister, en tant qu’invitées, au Congrès des Abbés de 1996. « Il accomplissait le vœu de son prédécesseur qui souhaitait voir les femmes invitées pour la première fois à faire des exposés au Congrès. Mère Hildegarde Sutto, Mère Màire Hickey et Sœur Edeltrud Weist parlèrent aux Abbés des préoccupations des Bénédictines. Les porte-parole soulignèrent à nouveau le manque de statut officiel des femmes au sein de la Confédération. Elles mirent à nouveau en question la raison d’être des différences dans la discipline de l’Eglise suivant qu’elle s’applique à des membres masculins ou à des membres féminins de l’Ordre bénédictin : différences de traitement mises en évidence par les distinctions faites entre les moniales et les sœurs sur une base qui a changé depuis Vatican II et le Nouveau Code de Droit Canon :
1- Stricte clôture papale ;
2- Vœux solennels ;
3- Opus Dei intégral en latin, chanté en grégorien » (19).
1997-2000 – Naissance de la coopération et du soutien mutuel
Les 16 et 17 juin 1997, les Déléguées de la Commission Moniales-Sœurs de l’Abbé Primat furent appelées à Rome par l’Abbé Primat Marcel Rooney pour étudier avec lui leurs problèmes et essayer de déterminer comment elles pourraient aller plus loin en assumant les différences existant entre elles et en consolidant leurs relations. « La possibilité de créer un secrétariat pour les femmes a été à nouveau étudiée, un accord se faisant pour permettre à la structure d’évoluer naturellement » (20). Après avoir fixé les dates du prochain symposium, les moniales et les sœurs approuvèrent aussi les nouveaux statuts, qui donnaient maintenant une certaine structure à leur rêve de se retrouver dans l’unité. Bien que les déléguées aient été auparavant nommées par l’Abbé Primat, elles purent, pur la première fois, tenir une élection pour choisir un Modérateur et un Substitut parmi les membres désignés du Comité Exécutif (21). Elles choisirent Mère Màire Hickey, de l’abbaye Sainte-Scholastique de Dinklage en Allemagne comme Modérateur pour une durée de quatre ans.
Troisième symposium international des Bénédictines
Au cours de l’année suivante, en 1998, 120 participantes vinrent à Rome pour le Troisième Symposium International : « L’expérience de Dieu et l’approche bénédictine de la prière ».
À nouveau, le riche partage qui eut lieu approfondit non seulement la compréhension d’une approche bénédictine de la prière, mais aussi les liens entre les moniales et les sœurs. Bien que leur prière soit le reflet de la culture de chacune et de sa tradition monastique, on découvrit que le cœur de la vie de prière bénédictine était le même pour toutes. Quelle que soit la langue utilisée, la Liturgie des Heures est non seulement un signe de reconnaissance mais une expérience priante et une source d’unité pour tous les participants.
C’est après ce symposium que les déléguées se rencontrèrent et décidèrent de se retrouver chaque année. Avant cette date, toutes les rencontres des déléguées avaient lieu à Rome. La dynamique Mère Màire Hickey conseilla fortement de tenir la première assemblée annuelle des déléguées en 1999 en dehors de Rome. Après beaucoup de discussions, et même des hésitations de la part de celles qui craignaient d’avoir à faire un trop long voyage loin de leurs monastères, sa suggestion fut acceptée et cette disposition intervint tous les deux ans. Il fut choisi de se rencontrer dans l’un des monastères des Sœurs Bénédictines de l’Adoration perpétuelle, à St Louis, dans le Missouri. Moniales et sœurs firent le voyage de St Louis dans la chaleur de juillet pour tenir leur assemblée. Mais tout n’a pas été travail. Les déléguées ont eu l’occasion de rencontrer les sœurs américaines de trois autres communautés situées à proximité de St Louis. Ces rencontres s’avérèrent être une expérience d’une richesse surabondante, non seulement de l’hospitalité des sœurs américaines, mais aussi de l’authentique esprit bénédictin et de l’impressionnante vie de prière qu’offraient les communautés visitées. Etre ensemble est un moyen plus informel en dehors des réunions de renforcer des liens qui se créent, non seulement dans les monastères visités, mais aussi dans les trajets en camionnette pour s’y rendre, et il ne semble pas qu’il ait été dommageable pour la vie monastique de qui que ce soit que les déléguées aient fait l’expérience d’une célébration de l’Independance Day aux Etats-Unis !
La relation fut-elle pour autant parfaite entre moniales et sœurs ? Certainement pas ! Il y a deux points sur lesquels il fallait agir :
1- La relation entre les Bénédictines et la Confédération ;
2- La clôture, qui semblait être une source de grandes difficultés, de fausses interprétations et de craintes parmi les religieuses.
Assemblée spéciale : un colloque
Au cours de l’année 2000, le Comité Exécutif organisa un colloque pour cinquante moniales et sœurs représentatives de toutes les régions afin de traiter de toutes ces questions avant la rencontre du Congrès des Abbés. Mère Màire Hickey, Modérateur de la Commission Moniales-Sœurs de l’Abbé Primat, salua les participants en soulignant : « Cette rencontre est un colloque – non un congrès ou un symposium avec de longs exposés et conférences. Nous sommes ici pour communiquer les unes avec les autres, pour partager avec d’autres notre expérience monastique, et pour nous encourager les unes les autres dans notre commune recherche des moyens authentiques qu’ont les femmes, au 21e siècle, de vivre la vocation à la spiritualité monastique bénédictine » (22).
Les moniales et les sœurs étaient accueillies à Saint-Anselme par l’Abbé Primat Marcel Rooney. « Il espérait que ce colloque conduirait à une plus profonde compréhension des différences existant entre chaque maison bénédictine. Une des caractéristiques spécifiques de l’Ordre bénédictin est l’AUTONOMIE de chaque maison. Cela implique différentes manières de vivre la Règle et rend possible que ces différences coexistent comme un enrichissement mutuel. Ce qui compte le plus, ce sont les structures de nos cœurs, conduisant à l’amour de Dieu et de notre prochain » (23).
L’Abbé Richard Yeo, canoniste, vint rencontrer les participants au colloque pour expliquer ce qui avait été mis au point au cours des années en ce qui concerne la relation des Bénédictines avec la Confédération, faisant observer que : « La législation relative aux Bénédictines dans le "Droit Propre" de 1985 est maintenant dépassée et a besoin d’être aménagée » (24). L’Abbé Richard expliqua la signification du terme « consociatio », le donnant comme le mot le plus adéquat qui puisse être utilisé à l’heure actuelle pour caractériser la relation (25) qui se développe entre les Bénédictines et la Confédération, ce terme impliquant une relation de collaboration entre égaux. Les moniales et les sœurs se montrèrent favorables à ce que l’on marche dans ce sens, « faisant ressortir qu’il faut prendre grand soin de s’assurer que tous les monastères se sentent bien englobés dans cette évolution, les communautés contemplatives – moniales sous le régime de la clôture papale et moniales sous le régime de la clôture constitutionnelle – aussi bien que les sœurs en charge de ministères actifs, et qu’il sera en conséquence nécessaire qu’un large dialogue intervienne dans les années à venir » (26).
Au colloque, les moniales et les sœurs ont aussi passé un temps considérable à traiter ensemble le thème de la « clôture » et ses éléments constitutifs. Il n’y eut pas d’exposés formels. Tout fut incorporé dans un processus de partage – ce que les femmes sont naturellement tout à fait habiles à faire ! Les participantes sortirent de cette expérience en se rendant mieux compte des valeurs communes qu’elles attachent à la clôture, en dépit des différences dans les manières qu’elles ont de la vivre. Elles en vinrent à comprendre les paroles de Mère Màire Hickey dans son allocution d’ouverture : « La manière dont un moine, une sœur ou une moniale vit son mode de clôture, en gardant une attention aimante et sensible au-delà de l’espace dans lequel Dieu l’a appelé(e) et qui par conséquent n’appartient qu’à Lui, est de l’essence de l’âme monastique » (27).
A la suite du colloque, les déléguées de la Commission furent conviées en tant qu’invitées au Congrès des Abbés. Mère Màire Hickey fit un exposé sur l’évolution de la relation des Bénédictines avec la Confédération, priant instamment les Abbés de mettre à jour le Droit Propre pour qu’il reflète plus exactement la réalité de ce qu’est la Commission aujourd’hui et la direction vers laquelle elle tend.
Deux ans avant cette assemblée du Congrès des Abbés, « quelques-unes des Prieures de communautés africaines avaient informé les Prieures américaines en charge des rencontres internationales des Bénédictines qu’il arrivait que des faits inconvenants d’ordre sexuel se produisent entre des prêtres et certaines de leurs sœurs de leurs communautés, tant en Afrique qu’également à Rome, où quelques sœurs font des études » (28). L’Abbé Primat Marcel Rooney était très désireux de réserver un temps aux Bénédictines sur l’agenda du Congrès pour porter ces faits à la connaissance des Abbés. Il fut demandé à sœur Esther Fangman, osb (29),docteur en psychologie, thérapeute et conseillère expérimentée, de faire un exposé pour les Abbés. Cet exposé disait ouvertement la vérité sur « ce qui arrive » à certaines de nos sœurs Bénédictines, non seulement en Afrique mais aussi dans d’autres parties du monde ; « Comment cela arrive » ; « Une explication psychologique possible » ; et le « Dommage causé à la personne qui est abusée » (30).
Le 7 septembre 2000, l’Abbé Notker Wolf était élu Abbé Primat. Il rencontra ce soir-là le Comité Exécutif de la Commission, offrant son soutien et insistant auprès des bénédictines pour qu’elles continuent à construire une association de solidarité entre elles et avec la Confédération bénédictine. À la réunion de novembre 2000 avec le Comité Exécutif, il encouragea les bénédictines à avancer en ce qui concerne l’évolution de la Commission des Bénédictines pour qu’elle devienne autonome dans son activité. Il était également partisan de laisser tomber les termes « une Commission de l’Abbé Primat » (31).
2001-2003 – Se forger une identité
Pendant le colloque 2000, il devint plus clair que les moniales et les sœurs avançaient vers la création d’une identité commune. Elles semblaient dire : « Nommons ce que nous sommes à l’heure présente ». Et il en fut ainsi. En préparation à la rencontre de la Commission en 2001, Mère Màire Hickey, agissant en tant que Modérateur, et l’Abbé Primat Notker Wolf, écrivirent tous deux une lettre qui fut envoyée à chaque monastère de bénédictines dans le monde, demandant des suggestions pour un nom permettant de désigner les bénédictines du monde entier. Sur la base des réponses obtenues, les déléguées des dix-neuf régions, se rencontrèrent à nouveau au Prieuré du Sacré-Cœur à Nairobi, Kenya, en 2001 ; elles votèrent le 6 novembre pour accepter le nom de : COMMUNIO INTERNATIONALIS BENEDICTINARUM – « CIB » – pour identifier ce qu’elles étaient en tant que religieuses bénédictines à travers le monde. C’est donc ainsi que cette année 2011 marque le dixième anniversaire de la CIB. Félicitations ! Les Bénédictines ont fait un long voyage ensemble !
Les déléguées ont en outre examiné la relation des Bénédictines avec la Confédération. Le travail effectué lors de cette rencontre fut poursuivi par les efforts conjoints de Mère Joanna Jamieson et de l'Abbé Richard Yeo pour présenter des suggestions relatives à la révision de certains passages du Droit Propre (Normae de Consociatione) et élaborer la procédure de demande en vue d'une reconnaissance expresse de la CIB dans la Lex Propria de la Confoederatio Benedictina au Congrès des Abbés en 2004. La CIB espérait « être reconnue en tant que corps non juridique des moniales et sœurs bénédictines en "consocietas" avec la Confédération, avec capacité de dialoguer avec leurs frères et de travailler avec eux sur des projets communs » (32).
Quatrième symposium international des Bénédictines
En 2002, la CIB organisa la première réunion majeure, le Quatrième Symposium International : « Chapitre 72 de la Règle de saint Benoît – "Du bon zèle" ». La rencontre était présidée par Mère Màire Hickey, Modératrice élue depuis 1997. L'Abbé Primat Notker Wolf accueillit les participants à Saint-Anselme et encouragea les moniales et les sœurs à continuer de trouver des chemins créatifs pour se soutenir mutuellement. Des documents furent à nouveau rédigés, à la fois par les moniales et les sœurs et des représentants des diverses cultures. Un aspect unique en son genre de cette réunion fut que dix-neuf jeunes sœurs de moins de cinquante ans et n'ayant que cinq ans ou moins de profession perpétuelle faisaient partie de l'assemblée – une par région. Les jeunes sœurs apportaient avec elles leur énergie et leur enthousiasme. Il était réconfortant d'entendre ce qu'elles pensaient et de connaître leurs idées sur « le bon zèle », et il l'était aussi pour elles d'entendre les Abbesses et les Prieures discuter des défis que l'on doit relever lorsque l'on vit dans la vie monastique. Ces jeunes femmes sont en fait l'avenir de nos communautés. Elles se sont trouvées peu à peu liées les unes aux autres et beaucoup ont découvert des moyens de rester en communication, en se soutenant de ce fait mutuellement. Les différentes régions purent se réunir et offrir aux autres des modes d'expression créatifs (chants, danses, lectures, etc.) qui traduisaient la vie monastique dans leurs différentes cultures. De telles activités donnèrent à l'événement du symposium une dimension plus large au-dessus et au-delà des exposés formels.
Ce fut à la rencontre des déléguées qui suivit ce symposium que, pour la première fois, des élections furent tenues, non seulement pour la Modératrice, mais aussi pour l'Assistante-Modératrice et deux membres supplémentaires du Conseil d'Administration. Jusqu'à cette date, les membres du Conseil d'Administration ainsi que les déléguées des différentes régions, étaient toutes nommées par l'Abbé Primat. Les statuts révisés, votés par les déléguées et ratifiés par l'Abbé Primat, témoignaient d'une nouvelle compréhension de l'identité de la structure qui prenait alors naissance, mettant à la première place en tant qu'objectif de la CIM : « Promouvoir le soutien mutuel et l'échange des idées et de l'expérience entre les Bénédictines à un niveau international et stimuler le développement du monachisme féminin » (33).
La version 2002 des Statuts demandait aussi aux moniales et aux sœurs de tenir leurs propres élections pour choisir les déléguées dans leurs régions. Lors de cette assemblée, Mère Màire Hickey fut réélue comme Modérateur de la CIB.
2004-2011 – Reconnaissance de la CIB
Lors de leur rencontre à Assise (Italie) du 16 au 20 septembre 2004, les déléguées du bureau de la CIB furent informées des évolutions qui étaient intervenues dans la manière de comprendre les relations des Bénédictines avec la Confédération. Mère Màire Hickey eut soin de déclarer que « la CIB n'est pas une structure de juridiction ou de pouvoir. Chaque monastère, Congrégation, Fédération, continue à vivre dans les structures canoniques en vigueur jusqu'ici. Nous sommes plutôt un réseau de communication d'inspiration spirituelle pour les monastères de femmes "associés" à la Confédération Bénédictine, avec pour large visée le désir de promouvoir un monachisme féminin vécu selon la Règle de saint Benoît au 21e siècle » (34). Lorsque les déléguées se rendirent à Rome après leur rencontre à Assise, elles étaient craintives et tout à la fois pleines d'espoir de voir leur requête d'être « associées » à la Confédération Bénédictine devenir une réalité. A cette époque, le Secrétariat de la CIB fut installé à Assise, au monastère S. Giuseppe, sur l'aimable offre de Mère Giacinta Soverino (35).
Une circonstance mémorable
L'Abbé Primat Notker Wolf accueillit les déléguées du bureau de la CIB au Congrès des Abbés de 2004 à Saint-Anselme, à Rome. Il assura aux Abbés que la CIB « ne visait pas à devenir une entité juridique au sein des structures canoniques de la vie consacrée », mais « avait plutôt pour objectif de promouvoir la vie monastique féminine à un niveau fraternel et spirituel »(36). Mère Màrie Hickey s'adressa aux Abbés en leur expliquant ces évolutions de la CIB au cours des années et en demandant « que le Congrès mette à jour, dans la Lex Propria, les références aux relations entre les communautés de femmes et la Confédération, en adaptant ce document aux changements intervenus depuis que fut rédigée la Lex Propria en 1983 » (37). L'Abbé Richard Yeo et Mère Johanna Jamieson avaient mis au point un texte proposant les modifications à apporter à la Lex Propria, en vue de la soumettre au Congrès des Abbés pour examen. L'Abbé Richard « présenta ce projet de texte de façon très claire et habile, et les Abbés eurent le temps de poser des questions. "La Confédération va fournir un parapluie sous lequel la CIB pourra exister aux yeux de l'Eglise", avait dit l'Abbé Richard dans sa présentation » (38).
Le 27 septembre 2004, la Communio Internationalis Benedictinarum était reconnue et sa relation avec la Confédération Bénédictine massivement approuvée dans la mise à jour du texte de 1985 des Normae de Consociatione cum Confoederatione (Normes de la Lex Propria). La CIB représente maintenant officiellement un corps de communautés bénédictines féminines « associées » avec la Confédération Bénédictine – selon la liste figurant dans le Catalogus Monasteriorum OSB (1e édition, 2000 ; 2nde édition, 2006), qu'il s'agisse de moniales ou de sœurs (39). « Le résultat est un couronnement de l'œuvre du bureau de la CIB accomplie jusqu'ici et a été salué par tous, hommes et femmes, avec une même et grande joie » (40).
Qu'est-ce que la CIB ?
Mais qu'est-ce, au juste, que la Communio Internationalis Benedictinarum ? La CIB, « respectant l'autonomie de chaque monastère, congrégation et fédération, rassemble en un lien fraternel toutes les communautés de femmes "associées" à la Confédération Bénédictine, et fonctionne sous l'égide du Droit Propre de la Confédération ».
« L'objectif de la CIB est de :
1- Promouvoir le soutien mutuel et l'échange des idées et de l'expérience entre les Bénédictines à un niveau international et stimuler le développement du monachisme féminin.
2- Continuer à mettre au point la Consociatio entre les communautés de femmes et la Confédération Bénédictine.
3- Porter les préoccupations importantes des Bénédictines à l'attention de la Confédération, du Synode des Présidents et du Congrès des Abbés.
4- Informer l'Abbé Primat des questions qui concernent les Bénédictines et lui soumettre des suggestions et des propositions sur ces affaires » (41).
La CIB représente dix-neuf régions dans le monde. Les déléguées de ces régions constituent le Bureau de la CIB. Le Bureau, composé de trente-quatre déléguées, et un observateur de l'AIM, se réunit annuellement. Il y a un Conseil d'Administration composé de la Modératrice, de l'Assistante-Modératrice et de quatre autres personnes dont deux sont élues et deux peuvent être nommées. Le Conseil d'Administration se réunit deux fois par an. La tâche de la déléguée est de s'assurer que la région est bien représentée aux réunions du Bureau de la CIB et, à l'inverse, elle a la responsabilité de répercuter les informations fournies par le Bureau aux communautés de sa Région.
Au fil des années, le Bureau de la CIB a défini des objectifs pour diriger ses activités pour des périodes de 4 ans. En ce qui concerne le présent cycle de 4 ans, le Conseil d'Administration de la CIB a prévu que le Bureau de la CIB explorerait l'option d'une action commune en solidarité avec les Bénédictines du pays qui recevront l'assemblée.
Cinquième symposium international des Bénédictines
Tous les quatre ans, des symposiums réunissant environ une centaine de Bénédictines qui représentaient les dix-neuf régions se sont tenus à Saint-Anselme. Le Cinquième symposium international qui s'est tenu du 7 au 14 septembre 2006 était intitulé : « Gouvernement » : «Si bien que les forts désirent faire plus et que les faibles n'aient pas à prendre la fuite » (RB 64, 19). Les participants ont pu écouter des intervenants respectés ainsi que des responsables de communautés monastiques qui partageaient leur amour pour leurs communautés et traçaient pour les participants leur façon de voir leur engagement dans cette charge du gouvernement. C'était la seconde fois que des membres de plus fraîche date, une pour chaque région, étaient à même de participer au symposium et d'expérimenter ce que peuvent être le partage et la collaboration entre moniales et sœurs, entre abbayes anciennes et fondations nouvelles, entre grandes et petites communautés, entre langues différentes et cultures variées, et de contribuer aussi à ce partage et à cette collaboration. En se regardant les unes les autres à travers la salle, les participantes pouvaient vraiment « voir le monde entier dans un seul rayon de lumière » (42).
Une expérience très intéressante a été faite lors d’un pèlerinage à Nursie. Au milieu des ruines de l’église de Sainte-Scholastique, une centaine de Bénédictines, moniales et sœurs, se tenaient debout ensemble en solidarité pour renouveler leur profession monastique dans différents groupes de langues. Elles s’engageaient à nouveau à chercher Dieu dans leurs communautés respectives, tout en restant solidaires de leurs sœurs du monde entier.
A la fin de ce symposium, quand le Bureau de la CIB tint sa réunion, il élit sœur Judith Ann Heble comme Modératrice de la CIB, Mère Màire Hickey ayant accompli neuf années à ce poste.
En 2008, les déléguées du Bureau de la CIB furent invitées à Saint-Anselme pour l’assemblée du Congrès des Abbés. Les femmes étaient admises à titre de participantes dans les carrefours qui faisaient partie du Congrès. A ce Congrès, sœur Judith Ann Heble, Modératrice de la CIB, fit pour les Abbés un exposé sur le développement et les activités de la CIB depuis le dernier Congrès de 2004.
Sixième symposium international des Bénédictines
D’un symposium au suivant, le lien qui a été créé entre les participantes venues du monde entier est devenu tout à fait sensible, et le fut plus encore au cours de ce sixième symposium international intitulé : « Les Bénédictines, témoins de l’Espérance », du 8 au 15 septembre 2010 à Saint-Anselme à Rome.
L’antienne de Taizé « Bonum est confidere in Domino, bonum sperare in Dominum », résumait l’expérience du Symposium. « Tous les éléments du Symposium ont été soigneusement adaptés les uns aux autres pour former une réflexion unique et un seul plaidoyer concernant L’ESPÉRANCE » (43).
Une équipe de programmation de six membres avait été mise en place deux ans à l’avance pour préparer les détails de coordination du symposium et organiser les cérémonies liturgiques et l’hébergement, de sorte que les diverses activités se déroulèrent de façon impeccable, créant ainsi une atmosphère qui portait à la prière, à la réflexion et au partage des espoirs et des rêves, des préoccupations et des défis. Les présentatrices étaient pleines de passion et d’espérance pour l’avenir de la vie bénédictine. Des jeunes de chaque région étaient aussi présentes à ce symposium. La riche diversité de la centaine de participantes venant de toutes les parties du monde pouvait se voir et s’entendre lorsqu’elles s’incitaient mutuellement à examiner la signification de l’espérance pour la vie monastique aujourd’hui et demain. De nouvelles graines d’espérance ont été semées parmi elles. Toutes pouvaient être à l’unisson du désir de saint Benoît pour la communio,… « et puisse celui-ci nous conduire toutes ensemble à la vie éternelle » (44).
Au fur et à mesure que la CIB évoluait au cours de ces dix années, il devint de plus en plus évident que les structures telles qu’elles avaient été tracées dans la première version des Statuts, n’avaient pas suivi le mouvement qui s’était développé parmi les Bénédictines. Le 4 septembre 2009, de nouveaux Statuts, définissant plus exactement ce qu’est la CIB en ce moment, ont été unanimement approuvés par le Bureau de la CIB et ratifiés par l’Abbé Primat Notker Wolf (45).
Conclusion : unies dans la solidarité
Beaucoup de choses ont changé depuis ma première expérience internationale en 1997. Au cours des années, j'ai vu que les rapports entre nous grandissaient et s'approfondissaient au fur et à mesure que des amitiés se formaient à travers les continents. La décision de tenir les réunions des déléguées tous les deux ans dans une région différente s'est révélée avoir un énorme impact pour amener les moniales et les sœurs à se rencontrer d'une manière fraternelle (46). « La CIB est plus qu'une rencontre de travail de trois jours une fois par an. Cela pourrait aisément se faire par e-mail. Mais nous avons expérimenté que le fait de nous visiter les unes les autres de région à région, était un merveilleux échange sur la vie et l'évolution des Bénédictines dans les différentes parties du monde. Plus nous nous connaissons mutuellement, mieux nous pouvons comprendre et apprécier les dons que chacune apporte à l'univers des Bénédictines. Cela a été des plus enrichissants d'être présentées aux gens du pays et d'apprendre à connaître la culture environnante » (47). Ces rencontres internationales nous ont appris que l'univers des Bénédictines est plus vaste que celui auquel chacune est confrontée dans sa propre région. Les différentes expressions de la vie monastique sont intégralement liées à la beauté avec laquelle le charisme a été fidèlement vécu dans bien des pays et des cultures différents, certains de formation récente, d'autres vieux de plusieurs siècles. Bien qu'il y ait de sensibles différences entre nous, nous parlons toutes réellement le même langage bénédictin. Notre qualité de « sœur » est ancienne, encore que toujours nouvelle, et nous englobant toutes – de toute race et de toute langue – dans la famille bénédictine.
Le fait de se rencontrer dans les différentes Régions n'a pas fait que donner des informations aux déléguées, mais il a aussi profité aux Régions invitantes. Dans de nombreux cas, la déléguée de la Région qui invite fait en sorte que les autres communautés de sa Région se rassemblent et prennent contact avec les déléguées visiteuses. Les déléguées du Bureau de la CIB ont déjà rendu visite à sept Régions : USA, Région 9 – Kenya, R 16 – Australie, R 15 – Pologne, R 7 – Philippines, R 14 – Italie, R 1 – Croatie, R 8. Parfois le Conseil d'Administration essaie aussi de se réunir dans différentes Régions susceptibles de ne loger qu'un groupe plus restreint. A l'invitation de Mère Henriette Wondbala Kalmogo, osb, du Burkina Faso, le Bureau de la CIB se réunira en Afrique Occidentale en septembre 2011. Le Conseil d'Administration de la CIB se réunira à Notre-Dame de Koubri et le Bureau de la CIB tiendra ses assemblées et fera l'expérience de la vie des Bénédictins, hommes et femmes, au Togo, au Bénin et au Ghana. En janvier 2012, le Conseil d'Administration de la CIB prévoit de tenir son assemblée avec les Bénédictines en Israël.
Nous avons fait de grands efforts pour stimuler le développement du monachisme féminin. Chaque expérience du pays et de l'histoire de l'autre nous a tous enrichis et élargis, nous donnant une vision plus affinée de la vie monastique, en nous incitant à être plus accueillantes. Mon espoir est que ce genre d'échanges continue entre nous pour nous amener « ensemble dans un lien fraternel » (48). Notre unité dans l'esprit de saint Benoît est pour tous un signe visible du fait que la vie monastique est un don pour l'Église et le monde, une manière de vivre entièrement centrée sur la recherche de Dieu.
Cette année, l'AIM célèbre ses cinquante ans. La CIB, consciente du fait qu'il a fallu 45 ans de douloureux accouchement pour qu'elle devienne une réalité, célèbre joyeusement en 2011 ses dix ans d'existence. La CIB est reconnaissante à l'AIM pour son soutien, qui a permis à de nombreuses moniales et sœurs de nations pauvres, de participer aux rencontres et symposiums de la CIB (49).
Pour plus amples informations, voir le site de la CIB : www.benedictines-cib.org
Traduction par Marie-Béatrice DUSAULT
Notes
1) Sœur Ruth Fox est membre du monastère du Sacré-Cœur de Richardton, North Dakota – USA. Elle a été Prieure de sa communauté de 1973 à 1981 et de 2005 à 2011. Elle a aussi été Présidente de la Fédération de Ste Gertrude de 1990 à 1999 et membre de la Commission de l'Abbé Primat pour les Moniales et les Sœurs de 1996 à 1998.
2) Entre 1886 et 1893, le pape Léon XIII avait commencé à fonder la Confédération Bénédictine.
3) Fascicule CIB, 2nde édition – 2010 p. 2.
4) Fox, sœur Ruth, symposium spécial ; rapport établi pour le troisième symposium international des Bénédictines 9-12 septembre 1998 p. 1.
5) Dom Rembert Weakland, osb ; lettre circulaire aux Bénédictines – 28 octobre 1968.
6) Ibid., Fox, lettre de l'archevêque Bembert Weakland à Sœur Ruth Fox – 12 mars 1998.
7) Ibid., Fox, p. 2.
8) Ibid., Fox, lettre de sœur Pascaline Coff, osb, à sœur Ruth Fox – 14 février 1998.
9) Ibid., Fox, p.2 : citant "The Conference Call" (Invitation à la Conférence) – décembre 1978.
10) Ibid., Fox, symposium spécial p. 2.
11) Ibid., p. 3.
12) Ibid., p. 3 : citation de Mère Edeltrud Weist, osb, document non publié remis au Congrès des Abbés – septembre 1996.
13) Ibid., Fox, p.3
14) Ibid.
15) Ibid., p. 4 : La pétition fut exaucée, et Mère Edeltrud Weist a représenté les Bénédictines au Synode.
16) Ibid., p. 4.
17) Ibid., Fox, p. 4 – Information tirée de The Conference Call, hiver 1996.
18) Hickey M. Maire, osb – D'un document adressé aux Abbesses allemandes, 1998.
19) Ibid., Fox, p. 4 – Extrait de documents fournis au Congrès des Abbés, septembre 1997.
20) Ibid., p. 5 – A partir de 1996, il y a eu un secrétariat permanent pour la Commission et la CIB.
21) Projet de statuts 1997 – 12 a & b.
22) Commission des Bénédictines, une Commission de l’Abbé Primat : Chronique n°2 – septembre 2000. Accueil de Mère Màire Hickey, modératrice, p. 1.
23) Ibid. Accueil de l’Abbé Primat Rooney, p. 1.
24) Ibid. p. 5.
25) Fascicule de la CIB : 2e édition p. 2. Le mot latin « consociatio » est un composé de deux mots : « socius » qui signifie « allié » ou « collègue », et « cum » qui signifie « avec ». Il indique une relation de collaboration active entre égaux (R. Yeo).
26) Op. cit. Chronique de la Commission n°2 p. 5.
27) Ibid., p. 2.
28) Conference Call (Invitation à la Conférence) « Dire la vérité » Rapport d’Esther Fangman, vol. 22, n°2 Hiver 2001, p. 10-11.
29) Sœur Esther Fangman, osb, appartient au Mount St. Scholastica – Atchison, Kansas, USA. Elle a été Présidente de la Fédération de St. Scholastica de 1998 à 2010 et Déléguée à la Commission et à la CIB de 1999 à 2007.
30) Op. cit., Conference Call.
31) Op. cit., Conference Call – Rencontre du Comité Exécutif, p. 12 et Lettre de l’Abbé Primat aux Abbesses et Prieures, février 2001.
32) Minutes de la Commission des Bénédictines – 5-7 novembre 2001, p. 4.
33) Statuts de la CIB – 2002.
34) Rapport de la Modératrice au Bureau de la CIB, Assise – CIB Chroniques, septembre 2004 ; vol.1 n°2, p. 4.
35) En 2010, le Secrétariat fut installé à l'abbaye Saint-Antoine à Rome, grâce à l'amabilité de Mère Michela Porcellato.
36) Rapport de la Modératrice au Congrès des Abbés – CIB Chroniques, septembre 2004 ; vol.1 n°2, p. 11.
37) Ibid., p. 10.
38) CIB Chroniques, septembre 2004 ; vol.1 n°2, p. 1.
39) Op. cit., Fascicule CIB, p. 6.
40) Op. cit., Chronique CIB 2004, p. 1 – commentaire de l'éditorial par sœur Monica Lewis, osb, secrétaire de la CIB.
41) Op. cit., Fascicule CIB p. 10-11. Droit Propre , n°14, 15 ; Normae de Consociatione cum Confoederatione praesertim n° 7-9. Le Catalogus Monasteriorum O.S.B. Sororum et Monialium donne la lite de toutes les communautés appartenant à (consociées avec) la Confédération. Le mot latin « consociatio » est une combinaison de deux mots : « socius », signifiant « allié » ou « collègue » et « cum », signifiant « avec ». Il indique une relation de collaboration entre égaux (R. Yeo).
42) Pape St Grégoire le Grand – Vie et miracles de saint Benoît, Livre II des Dialogues (34).
43) Sœur Judith Ann Heble, osb – « De la Modératrice de la CIB », Chronique n°6 p. 2, septembre 2010.
44) RB 72, 12.
45) Op. cit., Fascicule CIB p. 10-18.
46) Dans les années alternées, les déléguées se rencontrent à Rome comme invitées du Congrès des Abbés ou pour leur propre symposium, les deux étant tenus tous les 4 ans.
47) Sœur Judith Ann Heble, osb – « Rapport du Modérateur de la CIB », 8 septembre 2010.
48) Op. cit. Fascicule CIB p. 10.
49) Sœur Judith Ann Heble, osb, est actuellement Modératrice de la CIB, ayant été élue en 2006 et réélue en 2010. Elle s'est impliquée dans l'évolution de la CIB depuis 1997. Sœur Judith est membre du Monastère du Sacré-Cœur, à Lisle – Illinois, USA.